Experts français aux côtés des ISEP sénégalais

Étienne Vivier, Inspecteur de l’enseignement agricole, déjà présent lors d’une première mission en février 2022, et Romain Bertrand, Directeur de l’EPLEFPA d’Yssingeaux, ont accompagné l’ISEP de Matam dans la construction de son diagnostic territorial.

Étienne Vivier, Romain Bertrand,  pouvez-vous nous présenter le cadre de votre mission ?

Matam est situé à 600 km à l’est de Dakar. C’est une ville frontière séparée de la Mauritanie par le fleuve Sénégal. L’ISEP de Matam a vu le jour par décret présidentiel le 14 juin 2016. Cet Institut Supérieur se veut un établissement au service du développement de la formation de ressources humaines qualifiées avec un ancrage territorial. Il a pour mission principale de former des titulaires du baccalauréat ou équivalent au grade de technicien supérieur dans 5 domaines de métiers (Agricultutre-élevage-production forestière, Agroalimentaire, Mines, Aquaculture et Artisanat).

En quoi a consisté votre mission ?

La convention cadre signée entre le Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI) du Sénégal et le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation de la France le 27 juin 2016 a permis de voir émerger un partenariat visant à aider à la mise en place d’ISEP au Sénégal.

Notre mission se situe à un point d’étape clé pour les ISEP : en effet, après avoir mis en œuvre les programmes pédagogiques et les outils de pilotages nécessaires à leur politique de formation, ces établissements débutent un travail de rédaction de leur projet stratégique.

Nous avions donc convenu avec les équipes de Matam que nous pourrions leur apporter un appui méthodologique dans la mise en œuvre de leur diagnostic territorial afin de repérer les éléments de leur écosystème.

Comment s’est déroulée votre mission ?

Un travail préparatoire en visioconférence a permis à l’équipe de l’ISEP de Matam d’établir un questionnaire à destination de leurs partenaires.

La première journée sur place a consisté à faire réfléchir le groupe sur des notions et de s’accorder sur la fonction d’un diagnostic territorial, à savoir : connaître son territoire, ses forces et faiblesses, ses menaces et opportunités, mobiliser les acteurs en fonction de leurs attentes et besoins, éclairer les choix et orienter l’action de l’établissement et enfin instaurer un dialogue avec les partenaires.

Le groupe a ensuite échangé sur le territoire permettant de croiser les regards de chacun.

Les trois autres journées ont été consacrées à la rencontre de partenaires (professionnels, institutionnels et acteurs de la formation) afin d’opérer des entretiens sur site grâce au questionnaire élaboré. Ces visites se sont déroulées dans deux des départements de la Région Matam, à savoir Kanel et Matam. Le troisième département (Ranerou) ayant été visité par les équipes de l’ISEP seules la semaine précédente.

Enfin, la dernière journée a permis aux équipes de l’ISEP de Matam de traiter les données recueillies à partir d’outils que nous avons conçus de sorte à pouvoir mener un travail d’analyse et dégager des axes stratégiques.

Quel bilan tirez-vous de cette mission ?

Au-delà des rencontres professionnelles enrichissantes que nous avons pu faire avec l’ensemble des équipes de l’ISEP de Matam mais aussi de Bignona et Thiès, représentées lors de cette mission, nous avons pu apprécier l’engagement dont font preuve les membres des communautés éducatives de ces établissements. Ils ont la volonté farouche de faire évoluer leurs structures et de répondre au plus près aux besoins de leur territoire. C’est en ce sens que nous avons pu apprécier les points communs que l’on pouvait trouver entre les ISEP sénégalais et les EPLEFPA français.

Propos recueillis par Vanessa Forsans, animatrice des réseaux Afrique de l’Ouest et CEFAGRI de l’enseignement agricole, vanessa.forsans@educagri.fr

Contacts :

Vanessa Forsans, animatrice des réseaux Afrique de l’Ouest et CEFAGRI de l’enseignement agricole, vanessa.forsans@educagri.fr

Rachid BENLAFQUIH, Chargé de mission Afrique / Éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale / Expertise internationale au BRECI-DGER, rachid.benlafquih@agriculture.gouv.fr

 

Retrouvez l’article précédent présentant la mission d’expertise de diagnostic territorial d’un ISEP au Sénégal, menée en février 2022 par un inspecteur de l’enseignement agricole et le directeur de l’EPL de Roanne :  https://portailcoop.educagri.fr/expertise-internationale-un-chef-detablissement-au-senegal




Expertise internationale : un chef d’établissement au Sénégal

Si les mobilités d’apprenants sont souvent au cœur de la mission de coopération internationale de l’enseignement agricole, cette dernière peut aussi prendre d’autres formes, notamment celle du partage d’expertise.

Ainsi, via le réseau CEFAGRI, divers personnels des établissements agricoles (enseignants, formateurs, directeurs, directeurs-adjoints,…) peuvent être sollicités pour accompagner des réformes de dispositifs de formation ou pour appuyer le développement de filières agricoles, effectuant alors des missions de conseil, d’expertise ou de formation agricole à l’international. Paul Candaele témoigne de son expérience d’expert au titre de la coopération internationale.

Paul Candaele, vous êtes directeur de l’EPL de Roanne et avez effectué du 20 au 27 février 2022 une première mission d’expertise au Sénégal, plus précisément un diagnostic territorial avec l’ISEP de Bignona.

Rappelons tout d’abord le contexte de cette mission. Cinq ISEP (Instituts Supérieurs d’Enseignement Professionnel) ont été créés au Sénégal. Leurs directeurs ainsi que le ministre en charge de l’enseignement supérieur du Sénégal ont été accueillis en France en 2016 pour une mission de parangonnage qui s’est conclue par la signature d’une convention cadre entre les autorités sénégalaises et françaises. Cet accord identifie et positionne le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation comme partenaire privilégié pour accompagner la mise en place au Sénégal de deux ISEP, à Richard Toll et à Bignona, ainsi que leur réseau (RISEP) avec le soutien financier de l’Agence Française de Développement. Ces établissements ont vocation à dispenser des formations de niveau bac+2, en fonction de la demande et des besoins du milieu socio-économique et du bassin d’emploi, avec un fort ancrage territorial.

Pourquoi avez-vous été sollicité pour cette mission d’expertise ?

L’établissement de Roanne Chervé Noirétable a des liens importants avec ce pays, de nombreuses actions de coopération ont eu lieu avec le village de Niasene et nous sommes engagés dans la réflexion autour de la mise en place des ISEP avec, notamment depuis 2018, une volonté de partenariat avec l’ISEP de Richard Toll. La démarche d’expertise réalisée nécessitait à la fois le regard d’un inspecteur à compétences générales (M. Étienne Vivier) et celui d’un directeur d’Etablissement d’enseignement agricole de façon à garantir une bonne articulation des visions.

Quels étaient les objectifs de cette mission ?

L’ISEP de Bignona, situé à 45 minutes de route de Ziguinchor en basse Casamance, se développe : 200 apprenants sont actuellement accueillis dans les locaux récemment investis. À terme il doit accueillir 4000 apprenants sur un site de 50ha qui vient d’être acheté par l’ISEP. Le projet de développement qui doit accompagner cette évolution est donc particulièrement important. La méthode qui a été retenue consiste à réaliser dans un premier temps le diagnostic territorial qui doit permettre de qualifier précisément les besoins des filières professionnelles qui seront servies. Notre mission consistait à assurer un accompagnement méthodologique pour ce diagnostic. Dans un deuxième temps les ISEP vont réinvestir ce diagnostic territorial et réaliser leur propre analyse interne pour écrire leur plan stratégique de développement.

Comment s’est déroulé ce diagnostic territorial ?

La phase initiale avait été largement préparée en amont en visioconférence avec l’ISEP, l’attachée de coopération enseignement agricole à l’ambassade de France à Dakar, FranceAgriMer et la Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche (Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation français) : déroulé de la semaine et préparation de la démarche de questionnement. Un temps conséquent a été consacré aux visites de professionnels sur le terrain. Au total 15 acteurs économiques du secteur de l’agriculture, de l’agroalimentaire et des énergies renouvelables ont été rencontrés : SODECA (Casamançaise), usine de mise en bouteille d’eau minérale à Cap Skirring, Casa Écologie, GIE de transformation de fruits (Papaye, Madd, Ditak…), Bonergie, installation de pompes solaires. Chacun a pu exprimer sa vision du territoire, du développement économique et ses besoins en termes de compétences. À l’issue des visites nous avons proposé une méthode d’analyse des données recueillies de manière à faire émerger les éléments saillants et les principales problématiques territoriales en lien avec la formation professionnelle.

Envisagez-vous de participer à d’autres missions d’expertise ?

Une programmation est déjà envisagée de manière à réaliser un accompagnement similaire auprès de l’ISEP de Matam puis de l’ISEP de Richard Toll.

Que vous a apporté cette mission ?

J’ai été marqué par le recul important des professionnels sénégalais qui ont exprimé avec beaucoup d’aisance leurs demandes en terme de savoir-faire mais surtout en terme de posture entrepreneuriale attendue. Par ailleurs, il est difficile de ne pas évoquer la qualité de l’accueil des Sénégalais : c’est une constante quels que soient le lieu et les conditions.

Quels sont les impacts possibles de cette mission sur l’établissement que vous dirigez ?

Les problématiques liées à l’accompagnement du changement sont peut être plus faciles à percevoir au Sénégal car les traditions sont très présentes, aussi cette expérience me sera certainement très utile pour la poursuite de la mise en œuvre de notre projet d’établissement.

Pour visionnez le film réalisé par l’ISEP de Bignona durant la mission de diagnostic territorial :

Une délégation d’experts français a séjourné à Bignona du 21 au 25 Février 2022 dans le cadre de l’élaboration du diagnostic territorial de L’ISEP

Contacts :

Vanessa Forsans, animatrice des réseaux Afrique de l’Ouest et CEFAGRI vanessa.forsans@educagri.fr 

Maryline Loquet, Attachée de coopération – Enseignement agricole, Ambassade de France au Sénégal – maryline.loquet@diplomatie.gouv.fr

Rachid BENLAFQUIH, Chargé de mission Afrique / Éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale / Expertise internationale au BRECI-DGER, rachid.benlafquih@agriculture.gouv.fr




Le « nouveau » réseau CEFAGRI

– Vanessa, vous êtes la nouvelle animatrice du Réseau CEFAGRI de l’enseignement agricole : pouvez-vous nous présenter ce réseau ?

CEFAGRI, pour « Conseil Expertise Formation Agricole à l’International », est la nouvelle dénomination du réseau CEFPI créé par le Bureau des Relations Européennes et de la Coopération Internationale (BRECI) de la DGER en 2018 et animé jusqu’en 2021 par Sandrine Marchand.

Ce réseau thématique et transversal contribue à la mission de coopération internationale de l’enseignement agricole et bénéficie donc, comme les réseaux géographiques, du pilotage du BRECI.

En termes de capacités de conseil, de formation et d’expertise, l’enseignement agricole dispose d’un remarquable potentiel d’intervention par la richesse et la diversité de ses expériences. Les attentes et besoins d’appui et de conseil en matière d’ingénierie de formation, de dispositif de formation, d’expertise technique s’amplifient, en particulier de la part des pays en transition, et la DGER est régulièrement sollicitée par ses partenaires internationaux. Par ailleurs, les professionnels français sollicitent régulièrement l’appui des acteurs de la formation agricole pour soutenir leur développement à l’international. Ainsi, CEFAGRI est un réseau transversal amené à interagir avec le monde professionnel et apportant un appui aux réseaux géographiques de la DGER.

Il concerne tout personnel de l’enseignement agricole intéressé par une valorisation de son expérience professionnelle à travers des missions de conseil, d’expertise ou de formation, dans son champ de compétences, à l’étranger, quel que soit le continent. Ces missions peuvent être menées à titre individuel ou dans le cadre de partenariats internationaux de l’établissement, dans le cadre de la stratégie Europe et international du Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation et selon les axes stratégiques de la DGER, en collaboration avec des acteurs du territoire, du monde professionnel agricole, dans le cadre de projets Erasmus+, FSPI, coopération décentralisée…

– Pourquoi avoir postulé pour cette mission d’animation de réseau ?

Suite à l’appel à candidatures lancé par le BRECI en juin 2021 pour l’animation de différents réseaux, j’ai souhaité postuler pour celui-ci car étant déjà co-animatrice du réseau Afrique de l’Ouest, je pouvais à la fois m’appuyer sur cette expérience et mesurer l’importance de la transversalité du réseau CEFAGRI. Travaillant avec d’autres réseaux, notamment Afrique et Amérique latine, j’ai connaissance de divers partenariats à l’international en matière d’ingénierie de formation et d’expertise technique.

J’ai eu l’occasion de contribuer à plusieurs réponses à des appels à projets qui m’ont permis d’appréhender l’environnement de l’expertise en matière de formation agricole, et ce en partenariat avec divers acteurs tels que l’Institut Agro, l’ENSFEA, FranceAgriMer, Campus France, des Conseillers aux Affaires Agricoles, l’Agence Française de Développement, le réseau FAR (Formation Agricole et Rurale), des ONG comme le CFSI (Comité Français pour la Solidarité Internationale, l’AFDI (Agriculteurs Français Développement International) ou France Volontaires.

Il me revient maintenant de bien identifier les établissements de l’enseignement technique agricole déjà engagés à l’international, dresser les contours de l’offre nationale, la rendre plus visible, et faciliter les échanges d’expérience entre établissements afin de mobiliser au mieux ce vivier d’expertise.


– En quelques mots, quels sont les objectifs que vous allez poursuivre en 2022 pour le réseau CEFAGRI?

Je vais faire en sorte d’entraîner une dynamique de réseau, en allant à la rencontre des acteurs de la coopération dans les établissements ou, par exemple, en proposant des réunions d’information sur l’existence et le fonctionnement du réseau CEFAGRI auprès des DRAAF, lors des formations de chefs d’établissements, et d’enseignants stagiaires à l’ENSFEA, des réseaux CNEAP…

Je compte également travailler en partenariat avec les DRIF et l’Inspection de l’enseignement agricole, le réseau FAR ou le service DEFIS (Développement, Expertise, Formation, Ingénierie pour le Sud) de l’Institut Agro Montpellier, avec lesquels des contacts sont déjà établis.

Des échanges en distanciel, sous forme de webinaires par exemple, pourront s’organiser de sorte à entretenir une communication régulière avec les différentes parties prenantes de ce réseau.

À la faveur de réponses à des appels à projets (émanant de différents organismes, ministères, régions,…), il sera aussi possible de collaborer avec des opérateurs comme FranceAgriMer, Expertise France, et des organismes de coopération agricole comme l’AFDI, dans la perspective de mobiliser le vivier d’experts identifié dans l’enseignement agricole.

 

– Comment définissez-vous un expert de l’enseignement agricole et qu’est-ce qu’une mission d’expertise à l’international ?

Un expert est tout simplement quelqu’un qui, par son expérience, sa pratique, a acquis des compétences techniques et professionnelles qu’il est à même de transférer dans un contexte étranger. Des capacités d’ouverture, de bonnes qualités relationnelles et d’adaptation à des environnements culturels et professionnels variés sont également nécessaires pour réaliser des missions d’expertise à l’international.

Les missions d’expertise peuvent concerner les différents domaines de formation proposés par l’enseignement agricole, en renforcement de capacités, formation de formateurs, gouvernance des établissements agricoles, qu’il s’agisse de dispenser une formation en aquaculture, en agroéquipement, en viticulture, en agroalimentaire, en horticulture…, d’animer un atelier d’harmonisation de référentiels, d’effectuer un diagnostic territorial, …

Des exemples concrets seront bientôt disponibles sur ce site-même à travers des « portraits d’experts ».

En attendant, j’invite toutes les personnes de l’enseignement technique agricole intéressées par les possibilités d’expérience à l’international qu’offre le réseau CEFAGRI à se faire connaître en remplissant ce questionnaire :

https://www.askabox.fr/repondre.php?s=425395&r=SPFJYBHu1SZy

 

Contacts :

Vanessa FORSANS, animatrice du réseau CEFAGRI, vanessa.forsans@educagri.fr

Rachid BENLAFQUIH, Chargé de mission Afrique / Éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale / Expertise internationale au BRECI-DGER, rachid.benlafquih@agriculture.gouv.fr