Dans le grand bain du thé 茶

En Bretagne, depuis quelques années, le théier est l’arbuste qui monte. Quoi de plus naturel que l’enseignement agricole soit associé au développement de cette nouvelle filière et que les champs de nos exploitations servent de terrain d’expérimentations, de collections et de formations. Pour se faire, une immersion dans la culture chinoise est nécessaire !

Durant 2 semaines à l’automne dernier, Arnaud Billon, directeur des exploitations horticoles de l’EPL du Morbihan, Marine Chotard, enseignante en horticulture et chargée de mission Thé du même établissement et Stéphan Masquelin, gérant de la maison de thé Tea & Cie à Vannes et partenaire de l’EPL, ont suivi une formation en Chine autour de la culture et la transformation du thé.

Le thé est planté depuis près de 4 ans sur les terres du site d’Hennebont de l’EPL du Morbihan. En mars 2020, Arnaud Billon et Marine Chotard auraient déjà dû partir suivre une formation en Chine pour acquérir les bases de la production de thé que sont : la plantation, la démultiplication et la transformation. Suite aux années de fermeture liées à la pandémie, il a fallu attendre octobre 2023 pour que finalement cette formation se réalise.

Elle s’est déroulée dans deux lieux distants l’un de l’autre de plusieurs milliers de kilomètres à Jurong et à Pu’Er.

La première semaine se passa dans le Jiangsu, à Jurong, au sein de l’établissement agricole chinois partenaire d’Hennebont, le Jiangsu Professional College of Agriculture and Forestry (JPCAF).

Dès leur arrivée, Mme Lin Min, leur enseignante tutrice pour la semaine, accompagnée de ses étudiants, leur offrit un chaleureux accueil. Les premiers échanges permirent à la délégation française de mieux comprendre le système scolaire chinois, les particularités culturelles et ils purent aussi exprimer leurs attentes.

Lors de cette semaine, ils ont pu assister à une conférence de M. Zhang, l’un des agronomes les plus réputés de l’école chinoise et qui faisait partie de la délégation chinoise en France, venue en juillet 2023. Cette présentation leur apporta les bases du suivi qualité du thé.

Ils participèrent à un chantier de plantation qui leur donna l’occasion d’avoir de riches échanges avec l’un des ouvriers supervisant le travail. Ce dernier leur donna de précieux conseils et explications sur les points clés de la plantation. Il y eut aussi des échanges sur le bouturage.

Pour le travail en salle, ils ont bénéficié d’une découverte de la dégustation normée. Il s’agit d’une procédure technique permettant d’acquérir les bases de comparaison entre différents thés. On leur rappela que la température et la durée d’infusion dépend du type de thé (blanc, vert, noir, oolong). Puis on leur apprit à analyser la couleur de l’infusion, l’odeur, et la forme des feuilles après infusion. Rien n’est laissé au hasard lors de la dégustation !

De retour sur le terrain, ils purent durant deux jours, travailler leur technique de récolte en suivant les instructions de Maître Kong, médaillé national sur le thé vert. Ce grand maître leur enseigna les bons gestes, la bonne posture et comment choisir les meilleures feuilles. Il partagea aussi avec eux tous ses secrets sur les bons équipements à posséder pour récolter manuellement en toute efficacité.

Une fois récolté, il s’agissait désormais de pouvoir transformer les feuilles. Le focus fut mis sur le thé vert lors de cette première semaine. Maître Kong leur fit travailler à maintes reprises l’étape clé du thé vert qui est la fixation. Elle est d’une grande importance car elle permet de conserver la couleur verte et l’arôme particulier des feuilles de théier. Il a fallu donner de sa personne et mettre les mains dans le wok à 180°C à mains nues pour pouvoir détecter les changements de textures.

« La main du Maître fait 80 % de la qualité. Il doit utiliser tous ses sens pour créer le meilleur thé possible »

Sur ces 2 journées d’apprentissages avec Maître Kong, ils ont pu apprendre 2 techniques de façonnage : la technique longjing (aplatie) et la technique de boucle avec séchage au wok.

La semaine fut aussi ponctuée de plusieurs visites culturelles et professionnels.

Ils purent aller au Musée du thé de l’école et échanger sur les particularités du jardin à la chinoise et la logique de construction avec les enseignants. Lors de cette visite, ils ont aussi pu découvrir différentes variétés et modes de production et de transformation.

Ils ont aussi pu visiter le domaine d’un professionnel. Il leur a ouvert ses portes généreusement et leur a présenté ses techniques d’entretien des arbustes et les machines qu’il utilise. La visite s’est terminée par une dégustation de thé de fleurs.

Il y eut aussi la visite très attendue d’une pépinière de jeunes plants. Ils ont, grâce à elle, acquis les bases sur les techniques de conduite de la culture et de la démultiplication.

Lors de cette semaine, un temps fut dédié à l’échange avec des étudiants. Accompagné de l’animateur du réseau Chine , ils ont pu présenter les filières horticoles et aménagements paysagers de l’enseignement agricole français et ont eu des échanges techniques avec les étudiants du concours de design. L’intervention s’est conclue sur la présentation du plan final combinant les 2 jardins.

Pour conclure la semaine, ils sont revenus, avec Mme Lin Min, sur les réflexions que pose le projet, soit : « comment mener le développement du conservatoire d’Hennebont et dédier des zones à la multiplication, d’autres à la production et à la pédagogie ».

Pour la deuxième semaine de formation, direction le Yunnan, une province limitrophe du Viet-Nam, Laos et du Myanmar.

A leur arrivé, on les conduisit sur le site du berceau de la production de thé en Chine avec ses paysages classés au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Là encore la semaine fut riche de travaux pratiques, cours et visites.

On les initia aux codes de la cérémonie du thé, avec le « merci » en tapotant sur la table près de la tasse. Puis on leur fit découvrir des thés emblématiques de la province y compris des très grands crus du thé Pu’er.

On leur enseigna, par la pratique, différentes techniques de récolte le matin. Et l’après-midi était consacré à la théorie et la mise en application des techniques de transformation artisanales comme le thé blanc séché au soleil, le thé vert fixé au wok (280°C), séchage au soleil (ou en machine) et enfin le Thé noir roulage manuel et séchage au soleil (ou en machine).

Ils ont pu faire la visite d’une plantation ancestrale avec des théiers de plus de 200 ans menés en arbre avec récolte sur échafaudage. Ils se sont lancés sur la route du thé du Yunnan et ont dégusté des spécialités culinaires locales telle que la guêpe frite.

Ils ont aussi eu des visites professionnelles, des échanges avec des entreprises et fournisseurs spécialisés de machines de transformation et du matériel de dégustation.

 

Enfin, ils ont participé à un festival de thé local et ont pu visiter le musée du thé de Pu’er. C’est forts de deux semaines intenses d’apprentissage que nos passionnés sont revenus en France pour faire évoluer leur projet et partager avec leur communauté éducative et le réseau des établissements agricoles français, tout le savoir qu’ils avaient acquis.

Relire les précédents articles sur les projets de ces partenaires français et chinois sur le thème du thé.

Un thé chinois à la française

Epure et tradition, naissance d’un jardin international

Rédaction : Marine Chotard, Max Monot, Arnaud Billon

Contact : Max Monot, animateur du réseau Chine de l’enseignement agricole : max.monot@educagri.fr




Du vin chinois à fermenter

3 établissements agricoles français, appuyés par le pôle agro du Service Economique Régional de l’Ambassade de France à Pékin, ont mené en octobre 2023 une mission exploratoire en Chine à la demande du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Les objectifs étaient d’effectuer une expertise concernant le développement de l’industrie du vin dans le Ningxia, d’identifier les enjeux et les besoins de la filière viti-vinicole notamment concernant les formations techniques et supérieures, puis de proposer des coopérations aux partenaires chinois rencontrés en s’adaptant au contexte (contraintes, équipements, main d’œuvre…).

La délégation française était composée de l’animateur réseau Chine de l’enseignement agricole, Max Monot, de la directrice d’Agrocampus Bordeaux Gironde, Corinne Reulet, du directeur d’Agro Bio Campus Davayé, Jean-Philippe Lachaize et Nathalie Madon, directrice-adjointe.

Le premier jour a été destiné à rencontrer différents acteurs français présents sur place.

La matinée a donné l’occasion à M. Cadilhon, Mme Berges, M. Antoine, Mme Elyahan, Mme Liu de l’ambassade de France à Pékin, de préciser les contours de l’arrangement administratif entre les deux gouvernements pour développer la viticulture et la coopération en formation professionnelle viti-vinicole.

L’après-midi, les échanges avec les représentants en Chine des interprofessions françaises de vins et spiritueux a permis de préciser l’évolution de la consommation en Chine, de comprendre leurs rôles dans la défense de l’origine des vins français (lutte contre la contrefaçon), dans la communication auprès du grand public et des influenceurs, d’appréhender les perspectives sur ce marché via les différents réseaux de vente.

La matinée du deuxième jour a, quant à elle, été consacrée à une réunion avec l’école d’économie agricole et de développement rural de Renmin University (l’université du peuple), une des universités les plus prestigieuses de Chine.

Après la présentation de l’université, il a été fait état du projet de mise en place avec Kedge Business School de Bordeaux, d’un cursus franco-chinois. De niveau bac+4, la 3° année de ce parcours se ferait en France avec des cours de viti-œno et de dégustation (150 à 200 étudiants).

Au sein de l’université, c’est l’école d’économie rurale (700 étudiants) qui porte ce projet.

Compte tenu des enjeux pour les deux pays autour de la filière viticole, il a été suggéré d’ajouter l’économie du vin, l’organisation des marchés, l’œnotourisme aux enseignements déjà prévus. Ils souhaitent aussi davantage de coopération en matière de formation professionnelle continue (personnes en activité).

L’après-midi a été consacré au voyage vers la région autonome du Ningxia, région autonome choisie par l’administration centrale pour devenir le lieu de production principal du vin chinois.

Le troisième jour a débuté par une visite de l’institut de l’alimentation et du vin de l’université du Ningxia. L’université mène des recherches en viticulture et horticulture avec le soutien de l’état et de la région. Ils accueillent environ 400 étudiants en licence et 180 en masters avec une équipe de 42 professeurs. Ils reçoivent 150 étudiants de différents pays et ont des projets de coopération internationale de double diplôme 3+1.

Les perspectives de partenariat avec nos lycées viticoles peuvent porter sur l’échange de professeurs, la contribution à une conférence sur le développement de la viticulture du Ningxia et l’accueil d’étudiants chinois de master sur nos exploitations, par exemple un parcours de 6 mois dans différentes régions , Bordeaux, Bourgogne et Alsace.

La visite d’un établissement technique agricole proposant des formations en supérieur court, le Ningxia Polytechnic, a été organisée l’après-midi.

Cet établissement qui accueille 10 000 étudiants sur un vaste campus, propose depuis 2008 une formation type BTSA « vin, culture et commercialisation » avec une douzaine d’étudiants. Il produit des vins en partenariat avec des entreprises (pas de vignoble dédié) avec lesquelles il organise par ailleurs des formations courtes pour les personnels des châteaux (non délocalisable).

Il a déjà des programmes de partenariat en France dans la filière viti (INSSEC Bordeaux, Institut des vins et spiritueux).

L’établissement affiche sa volonté d’élargir les pistes d’échanges mais les cours doivent être faits en anglais en privilégiant une année diplômante L3 plutôt qu’un stage. On note aussi un intérêt l’œnotourisme, la viticulture de terroir et l’adaptation au changement climatique.

Au quatrième de jour de mission, la délégation a rencontré les équipes du Ningxia technical college of wine and desertification prevention. C’est l’établissement le plus proche des nôtres en termes de structuration et de fonctionnement. On y retrouve notamment plusieurs filières semblables à ce que l’on trouve en établissement français (vin, horticulture, aménagement paysager).  A noter qu’avec l’ouverture de la filière viti-vini en 1998, il s’agit d’un des premiers établissements à avoir proposé des formations de ce type en Chine.

L’établissement est demandeur de coopération viticole. Ils produisent du vin par le biais d’accords école-entreprise. Ils nous ont montré une vaste exposition dédiée à la vigne et au vin de la région. Ils proposent des formations infra bac et post bac à 4764 jeunes. Des partenariats sont signés avec des entreprises pour les travaux pratiques (plantation, marketing).

le NTC serait intéressé par l’accueil de voyages d’études sur la base de la réciprocité, l’envoi de stagiaires dans nos exploitations pendant 6 mois, des échanges d’enseignants (nécessité de maitriser l’anglais) mais n’ont pas de personnel dédié à la coopération internationale, ce qui peut freiner la collaboration future.

L’après-midi, fut organisée la visite du comité de gestion de la zone de l’industrie viticole du piémont oriental du mont Helan. Dans le cadre de la demande du président chinois, ils travaillent pour l’extension du vignoble et l’amélioration de la qualité des vins afin d’atteindre les 100 000 hectares de vignes plantées dans la région d’ici 2030. Le directeur a expliqué que la plupart des structures de production locales sont de grands domaines, certains appartenant à des groupes français qui ont investi énormément dans les équipements de chai. Il y a un fort besoin de main d’œuvre locale pour les travaux non mécanisés.

Ils aimeraient profiter de l’excellence des formations françaises en viticulture œnologie, par exemple en envoyant en France leurs techniciens pour qu’ils se forment à produire en utilisant moins de produits phytosanitaires. L’adaptation au changement climatique est aussi un sujet qui les intéresse.

La dernière journée de mission a permis à la délégation de visiter trois grands domaines locaux.

Le premier, Xige, est un des plus vastes domaines de la région avec 2000 ha de vigne. L’ensemble des moyens de production dans la cave sont très récents (2020) et à la pointe des technologies modernes. Le nombre de barriques de chêne est impressionnant, l’ambition affichée est de produire des vins haut de gamme à haute valeur ajoutée. Le cabernet sauvignon est majoritaire. Les vins sont d’une belle finesse. L’assistante du maître de chai, une jeune œnologue de l’ISVV de Bordeaux, a confirmé la possibilité d’accueillir des BTS français en stage.

Ensuite, les portes du domaine Stone and Moon se sont ouvertes. Ce domaine de 50 ha qui appartient à des Chinois, est dirigé par un bordelais, Nicolas BILLOT GRIMA. Il a permis aux missionnaires, grâce à un tour du vignoble, de la cave, et un échange poussé lors de la dégustation et du déjeuner, d’appréhender les caractéristiques de cette région de production, ses atouts et ses contraintes. Les différents cépages sont travaillés spécifiquement avec une recherche de typicité et d’identité de leurs cuvées, une place intéressante est accordée au cépage marsellan. Un projet de musée du vin est porté par ce domaine auprès des autorités avec une vraie dimension œnotourisme. Une volonté de partenariat et d’accueil de stagiaires a été exprimée avec des facilités pour l’hébergement. Le responsable nous a confirmé qu’ils recherchent, comme beaucoup d’autres propriétés, des chefs de culture ou directeurs techniques qualifiés pour conduire les opérations et encadrer les ouvriers non qualifiés à la vigne. L’isolement géographique de cette région rend la fidélisation difficile dans le temps pour des jeunes.

Enfin, durant l’après-midi, le domaine Pernod Ricard a accueilli la délégation au coeur de son vaste chai ainsi que dans la zone de cuve en inox. Plusieurs échantillons de différentes variétés, emblématiques et reconnaissables au niveau international, ont été proposées à la dégustation : chardonnay, cabernet sauvignon/merlot.

Rédaction commune proposée par les membres de la mission.

Contact : Max MONOT, Animateur du réseau Chine, max.monot@educagri.fr




Le Bénin choisit l’expertise française

L’expertise de l’enseignement agricole français accompagne le passage de 10 à 30 lycées techniques agricoles au Bénin : des ateliers de co-construction d’analyses de situations de travail ont eu lieu à Cotonou entre le 17 et le 27 septembre 2023.

Le Bénin, via son Agence de Développement de l’Enseignement Technique (ADET) a entrepris une grande réforme institutionnelle de l’enseignement technique et professionnel, en particulier agricole, passant de 10 à 30 lycées techniques agricoles (LTA).
Sollicité par l’ADET dès 2021, l’enseignement agricole français (via la DGER/BRECI et ses réseaux Afrique de l’Ouest et CEFAGRI) a élaboré avec France Éducation International (FEI) une offre technique pour accompagner cette réforme. Les enjeux sont d’importance : il s’agit d’élaborer des programmes de formation, produire des ressources pédagogiques, identifier les équipements nécessaires aux formations, préparer l’implantation des filières ; soutenir, par la formation et l’insertion les jeunes dans la vie active, les politiques territoriales de développement économique et social ; mettre en place une professionnalisation des métiers de la formation ; favoriser l’implication active dans le territoire, des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement, et structurer une dynamique tournée vers l’innovation et l’expérimentation. 11 filières et 15 diplômes (Diplôme Technicien Métier et Diplôme Technicien Supérieur Métier, DTM et DTSM) sont concernés.
Cet appui est mis en œuvre dans le cadre d’une contribution plus globale en « équipe France » à la réforme de l’appareil de formation professionnelle du Bénin,  s’inscrivant dans le programme de coopération en matière de formation professionnelle entre la République du Bénin et la France signé à la suite du déplacement au Bénin du Président de la République française en juillet 2022. Avec un financement de la Banque mondiale d’un montant de 1,22 M€, ce projet a en ligne de mire l’accueil de 48 000 apprenants afin de les former très concrètement aux métiers de l’agriculture.

Ainsi, une première mission dans le cadre de ce projet a mené au Bénin entre le 17 et le 27 septembre 2023 un groupe d’experts de l’enseignement agricole français, accompagnés par le réseau CEFAGRI et France Education International. Une réunion de cadrage entre l’ADET, FEI et la DGER (BRECI) a permis le lancement officiel du projet. Puis les experts en aquaculture, en élevages de ruminants, de porcins, en productions horticoles, fruitières et forestières, en agroéquipements… ont animé des ateliers de co-construction d’analyses de situations de travail (AST) avec des professionnels béninois, tant de la production que de la formation agricoles (enseignants et directeurs de LTA, inspecteurs). À leurs côtés étaient présents des experts marocains recrutés par FEI ainsi que des spécialistes du coton et du palmier à huile ayant rejoint l’équipe d’experts par le truchement du réseau CEFAGRI.

Les experts de l’enseignement agricole français témoignent de cette expérience de co-construction d’analyses de situations de travail avec des collègues et partenaires béninois avec lesquels la coopération n’est pas nouvelle :

Jean-Roland Arbus, enseignant d’agronomie au LEGTA de Figeac et co-animateur du réseau Afrique de l’Ouest :
Suite à deux missions au Bénin, en 2019 et 2021, en tant que co-animateur du réseau Afrique de l’Ouest, j’ai trouvé logique de contribuer à la co-écriture des référentiels avec les Béninois. Être à l’écoute de leurs attentes pour les intégrer dans les référentiels, travailler en équipe d’experts sont des éléments de réussite. Enfin soulignons l’importance d’intégrer l’agroécologie, la durabilité et la gestion économique dans ces référentiels pour les futurs entrepreneurs béninois.

 

Patrick Desnos, enseignant d’agronomie au lycée horticole privé de Saint-Ilan (Côtes-d’Armor) :
La rencontre avec les professionnels, les enseignants et les inspecteurs béninois nous a permis de mieux appréhender les attentes de nos partenaires et de confronter nos visions « Nord-Sud » des métiers des différentes filières agricoles étudiées. Cette co-construction de l’analyse des situations de travail dans le domaine du maraîchage, de l’horticulture ornementale, de l’arboriculture fruitière et forestière m’a permis de mieux cerner ces différents métiers au Bénin. Les diplômes visés de technicien métier et de technicien supérieur métier ont pour but, entre autres, de favoriser la création d’entreprise permettant à des jeunes béninois de participer à la souveraineté alimentaire de leur pays et d’améliorer la chaîne de valeurs. Les échanges avec l’ensemble des participants ont été riches et constructifs : une co-construction à poursuivre pour écrire le référentiel de compétences dans le cadre de cette rénovation ambitieuse.

Catherine Lejolivet, enseignante d’aquaculture au LEGTA de La Canourgue (EPL de la Lozère) :
Bénin comme Bienveillance : c’est le sentiment fort ressenti pendant cette semaine de travaux collaboratifs avec les partenaires des filières professionnelles agricoles, l’inspection et les enseignants des lycées techniques. Ce fut une première en Afrique de l’Ouest, me concernant. La mission de co-construction de programmes de formation aquacole est d’importance pour ce pays désireux de former des techniciens et des techniciens supérieurs leur permettant de s’installer, de piloter ainsi leurs entreprises avec un maximum de clés et de contribuer à l’approvisionnement des marchés demandeurs de produits aquatiques d’eau douce ou saumâtre. D’où le challenge pour moi : comprendre le contexte aquacole, les attentes des partenaires afin de répondre au mieux dans un esprit clairement de convivialité partagée. Les échanges ont été riches, vivants et constructifs, hâte de poursuivre l’aventure franco-béninoise !

 

Arnaud Lefèvre, directeur de l’exploitation ostréicole de l’EPL de Bourcefranc :
Suite à des échanges réguliers avec différents partenaires béninois depuis plus de vingt ans, il m’a semblé intéressant de participer à l’évolution des curricula des formations techniques en aquaculture. Au sein de ce secteur très dynamique en Afrique de l’Ouest depuis quelques années, le Bénin réussit à tirer son épingle du jeu, grâce en particulier à la mise en place de l’organisation de la filière. Les échanges avec les professionnels, mais également avec les enseignants et les représentants de l’administration, permettent de contextualiser et de partager les différentes opinions sur ce secteur de production. L’enjeu premier est de proposer des programmes basés sur les pratiques, de façon à ce que les apprenants soient opérationnels dès la sortie des études. Au-delà, la demande inclut de considérer dans ces formations les évolutions et les innovations envisageables de la filière aquacole au Bénin.

Jean-Louis Devoyon, enseignant d’agroéquipement au LPA de Saint-Yrieix-la-Perche :

Sollicité par le BRECI/DGER et avec l’aide de Guillaume Gillet de l’ENSFEA, le lycée agricole de Saint-Yrieix-la-Perche est un établissement reconnu dans le domaine des agroéquipements avec une dimension internationale puisqu’il coopère avec des pays d’Afrique et en particulier le Bénin. C’est à ce titre que j’ai été mobilisé sur ce projet pour la co-construction selon l’approche par compétences (APC) des référentiels de formation en machinisme (DTM/DTSM). J’ai ainsi pu valoriser et partager mon expérience en mécanisation agricole afin de proposer des formations qui répondent aux mieux à la demande professionnelle actuelle et à venir pour une insertion réussie des futurs apprenants. En tant qu’expert, j’ai pu prendre la mesure des forts enjeux de ce projet ambitieux par rapport aux grandes potentialités de ce pays en développement et ce fut un honneur pour moi de pouvoir modestement y contribuer. De cette première expérience, je retiendrai la difficulté de proposer une offre de formation cohérente non seulement au regard de la structuration des branches sectorielles actuelles mais aussi tenant compte du secteur informel, non-formel le plus représentatif. Il est apparu ainsi important d’ouvrir cette formation à des métiers pas seulement tournés vers la maintenance agricole mais aussi vers l’utilisation, la conduite, le réglage des machines voire dans certains cas l’adaptation-conception simples d’outils. C’est précisément ce lien agronomique avec le vivant qui permettra à court terme un renforcement capacitaire de l’arrière paysage rural et de son développement économique par un ancrage de jeunes dans leur territoire. Dans cette perspective, la réduction de la pénibilité des travaux agricoles grâce au développement d’une mécanisation raisonnée doit en principe permettre une meilleure productivité des sols et attractivité du métier chez les jeunes agriculteurs, leur offrant ainsi des conditions de vie meilleures et  participant alors dans une certaine mesure à la déconstruction des imaginaires migratoires.

Xavier Baudouin, directeur de l’exploitation agricole de l’EPL de Vire :
Les missions d’expertise constituent un levier essentiel de la coopération internationale, ainsi qu’un outil de dialogue et de valorisation des savoirs faire. Notre mission sur le sol béninois fut une expérience véritablement enrichissante. La rencontre avec les acteurs locaux, qu’ils soient professionnels du secteur, enseignants ou inspecteurs, a grandement contribué à notre compréhension des attentes de nos homologues béninois.
De plus, elle a permis de confronter nos perspectives distinctes sur les métiers agricoles, en intégrant les visions tant « Nord » que « Sud ». Cette convergence d’idées s’est avérée être le socle essentiel à la poursuite de notre collaboration dans le cadre de la révision ambitieuse du référentiel de compétences. De nos discussions, est née une belle opportunité : celle de co-créer, co-construire, d’unir nos forces pour tracer le chemin d’une rénovation ambitieuse.
Ce premier pas ne représente qu’une étape préliminaire. Il incarne une promesse de synergies futures, où nos compétences et notre engagement mutuel se fondent dans la rédaction d’un référentiel. Notre récit, forgé par notre passion pour l’agriculture et notre désir de contribuer au progrès, se prolongera, établissant un lien solide et durable entre deux nations unies par leur quête d’excellence dans le domaine agricole.

À l’issue de cette première mission, toutes les analyses de situation de travail co-construites au cours des ateliers puis rédigées par les experts français et marocains sont relues par une DRIF (déléguée régionale à l’ingénierie de formation) de l’enseignement agricole afin d’en proposer à l’ADET une version finale tout à fait complète et harmonisée.

L’ensemble des experts français et marocains ainsi que leurs homologues béninois se retrouveront au Bénin en décembre 2023 pour la prochaine étape : l’élaboration conjointe des référentiels de compétences. Viendront ensuite, avant la fin de cette année scolaire, les missions de co-construction des référentiels de formation et d’évaluation. Ces missions seront bien évidemment accompagnées par les coordonnateurs du projet,  béninois (l’ADET) et français (le MENJS via FEI et le MASA via la DGER/BRECI et son réseau CEFAGRI) qui veilleront à assurer la bonne conduite de cette importante coopération multi-acteurs.

Contacts : Vanessa FORSANS, animatrice du réseau CEFAGRI, co-animatrice du réseau Afrique de l’Ouest
vanessa.forsans@educagri.fr, Rachid BENLAFQUIH, chargé de coopération Afrique subsaharienne / Éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale / Expertise internationale au BRECI/DGER, rachid.benlafquih@agriculture.gouv.fr

 




INRAE renforce ses collaborations au Japon

En marge du Forum mondial pour la science et la technologie, une délégation d’INRAE s’est rendue au Japon du 28 septembre au 4 octobre 2023, à l’occasion du STS Forum qui réunissait les leaders mondiaux de la recherche.

Philippe Mauguin, président-directeur général d’INRAE et Jean-François Soussana, vice-président en charge de la politique internationale de l’institut, étaient invités au forum où ils ont participé à plusieurs sessions. Un déplacement qui a permis de développer les partenariats de l’institut avec ses partenaires au Japon.

20e rencontre annuelle mondiale de la science et de la technologie dans la société

La 20e rencontre annuelle du Forum pour la science et la technologie dans la société (STS Forum) réunissait le monde de la science à Kyoto du 1er au 3 octobre 2023. Fondé en 2004, le STS Forum réunit chaque année des scientifiques et leaders mondiaux pour discuter des enjeux scientifiques et technologiques auxquels le monde est confronté.

Philippe Mauguin et Jean-François Soussana participaient à cet évènement. Ils ont livré leur regard sur un certain nombre d’enjeux globaux pour la transition des systèmes agroalimentaires face aux enjeux du changement climatique et de la sécurité alimentaire et hydrique.

Jean-François Soussana  est intervenu dans une session consacrée au changement climatique : « Il est urgent de développer la résilience agricole au changement climatique et à la pénurie d’eau qui en découle. Les réponses intégrées nécessitent des changements à grande échelle dans les systèmes alimentaires et la restauration des sols et des écosystèmes dégradés. »

Philippe Mauguin participait également à la 12e réunion des leaders mondiaux des instituts de recherche, le Global Summit of Research Institute Leaders. Il y a évoqué les risques et opportunités de l’intelligence artificielle générative en agriculture, lors d’un échange coprésidé par le RIKEN, l’un des principaux instituts de recherche au Japon pour les sciences fondamentales et appliquées, et le Conseil national de la recherche du Canada, sur les défis posés par ces nouvelles technologies disruptives aux acteurs de la recherche.

« Face aux défis de la sécurité alimentaire, du changement climatique et de la biodiversité, la recherche mondiale doit combiner les leviers de l’agronomie, de la santé des plantes, de la génétique et du numérique pour réussir la transition agroécologique. L’intelligence artificielle générative peut permettre d’intégrer des connaissances très variées et des données massives dans des modèles prédictifs. Mais il faut s’assurer de la qualité des données, de la transparence et de l’ouverture des algorithmes, pour aller vers un « Science GPT » ouvert et piloté par la communauté scientifique internationale.»

Philippe Mauguin au Global Summit of Research Institute Leaders

Le partenariat entre INRAE et le NARO se tourne vers la robotique et le phénotype des plantes pour répondre aux enjeux de la sécurité alimentaire mondiale

La National Agriculture and Food Research Organization (NARO) est l’équivalent d’INRAE au Japon. En marge du Forum, une rencontre bilatérale entre les présidents des 2 instituts de recherche a permis d’acter la perspective de futurs instruments de coopération.

Le premier porte sur la construction d’un futur laboratoire international associé (LIA) sur la robotique, et le deuxième prépare la mise en place d’un réseau international de recherche (2RI) RhizoNet, sur les ressources phytogénétiques et les technologies avancées de phénotypage pour contribuer à la sécurité alimentaire et à la neutralité carbone.

Le 2RI RhizoNet

Rhizonet prévoit d’impliquer plusieurs disciplines portées par les départements Agroécosystèmes et Biologie et amélioration des plantes (BAP) d’INRAE, le NARO ainsi que des partenaires académiques européens aux Pays-Bas et en Allemagne. Il s’agit d’une collaboration scientifique de haut niveau entre des instituts de recherche ayant réalisé des avancées significatives pour le phénotypage du système racinaire des plantes et la sélection végétale.

Il part d’un postulat de départ : les futures stratégies agricoles, pour s’adapter et lutter contre le changement climatique, doivent impérativement tenir compte des caractéristiques morphologiques et physiologiques des systèmes racinaires, leur plasticité et l’architecture génétique des processus qui les régissent. Elles permettraient d’améliorer la captation des ressources dans des conditions extrêmes et de stocker davantage de carbone dans le sol tout en assurant la sécurité alimentaire mondiale.

Le joint-linkage call existant entre INRAE et le NARO a largement contribué à l’émergence de ce réseau par la pérennisation des collaborations de recherche grâce à des financements sur projet. L’objectif final de ce réseau sera de préparer le lancement futur d’un programme de recherche commun sur l’agriculture bas carbone qui travaillera sur l’utilisation des racines des plantes et l’amélioration des cultures pour s’adapter au changement climatique grâce au phénotypage à haut débit des plantes.

Philippe Mauguin, PDG d’INRAE et Dr. KYUMA Kazuo, President du NARO

Les collaborations entre INRAE et le NARO se développent de longue date, les 2 instituts ayant formalisé depuis 2020 un programme de mobilité scientifique croisée (Joint Linkage Call). Les 2 instituts coordonnent ensemble le 2RI Pisi-Net signé en 2023 sur la protection des insectes ravageurs par l’utilisation de techniques biologique. Ce 2RI associe 4 laboratoires INRAE et 2 laboratoires du CNRS du côté français, et 5 laboratoires japonais, du NARO et de l’université de Toyama, de l’université préfectorale de Kyoto et de l’université de Saga. Il a facilité plusieurs projets de recherche communs, sur la lutte contre les pathogènes végétaux à transmission vectorielle et sur la lutte contre les insectes nuisibles à l’agriculture grâce aux symbiotes.

En savoir plus sur les collaborations INRAE-NARO

Atelier scientifique organisé à l’Ambassade de France au Japon le 28 septembre 2023

Ce déplacement aura été l’occasion pour la délégation d’INRAE de rencontrer les partenaires scientifiques de l’institut au Japon grâce à un atelier scientifique organisé à l’Ambassade de France au Japon, qui réunissait des participants du NARO, de l’université de Tokyo et de l’université de Tsukuba. Parmi les coopérations mises en lumière à cette occasion, INRAE collabore avec l’université de Tsukuba au sein du LIA FREQUENCE signé en 2019 sur la biologie du fruit face au changement climatique et associant l’université de Bordeaux. Il offre aux étudiants la possibilité d’obtenir un master international en co-dipôme. Des scientifiques INRAE sont impliqués dans l’enseignement du programme.

Le laboratoire international associé (LIA) FRuit QUality under Changing Environment – FreQUenCE s’intéresse à la régulation et les mécanismes impliqués dans le contrôle du rendement des fruits, de la morphogenèse des fruits et de la composition des fruits. En savoir sur LIA Frequence

Des perspectives de collaboration élargies avec l’écosystème de la recherche au Japon
Visite du laboratoire d’entomologie du RIKEN avec le chercheur Issei Ohshima

Des rencontres ont également eu lieu avec des institutions prestigieuses au Japon comme le RIKEN et l’université de Kyoto. Elles préfigurent de prochains accords-cadres et proposent l’intensification des coopérations sur des domaines de recherche communs.

Ariane Lelah, Rédactrice de l’article : INRAE renforce ses collaborations au Japon en marge du Forum mondial pour la science et la technologie

Crédits photographiques : INRAE – Photo de tête d’article : Global Summit of Research Institute Leaders

Contact : Florent CHAZARENC – Directeur de Recherche Unité REVERSAAL, Chargé de Mission international pour la région Chine, Japon, Corée du Sud – florent.chazarenc@inrae.fr

Pierre  MARIE – Directeur adjoint des relations internationales / Chef par intérim du service mobilité internationale et interculturalité – pierre.marie@inrae.fr