L’expertise française mobilisée en Algérie

Finaliser le référentiel de certificat de formation d’excellence des conseillers spécialisés en production laitière à Sétif (Algérie), tel a été le principal objectif de la mission d’expertise réalisée par Hervé Jacob, ingénieur agronome consultant et Stéphanie Deltheil, enseignante en zootechnie au lycée agricole d’Auch.

Ce projet s’inscrit dans le cadre d’une collaboration de longue date entre la Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche du Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire français et la Direction de la Formation Agricole, de la Recherche et de l’Innovation (DFARI) du ministère de l’agriculture et du développement rural algérien. Le partenariat DGER/DFARI repose sur une coopération débutée en 2003, avec des formations dispensées par la DGER auprès de formateurs des établissements sous la tutelle de la DFARI, mais aussi des échanges entre établissements algériens et français dans l’objectif de jumelages. Depuis 2015, la réalisation d’un programme PROFAS C+ a permis dans une première phase de travailler conjointement à la rénovation des statuts des établissements d’enseignement agricole algériens, à la mise à jour du statut des cadres des directions de ces établissements, à la mise en place d’une cellule nationale d’ingénierie de formation au sein de la DFARI (ayant développé un « pôle lait »). Dans une deuxième phase, les partenaires ont décidé de créer à Sétif un centre de formation d’excellence dans le secteur de la production laitière et ont élaboré un référentiel métier de conseiller agricole en production laitière. La mise en place d’une formation dans ce domaine au sein de l’Institut technologique spécialisé de formation agricole (ITSFA) de Sétif permettra de répondre directement aux besoins de cette filière prioritaire pour l’Algérie. La gouvernance du projet associera d’ailleurs les principales entreprises du secteur.

Le projet consiste à accompagner l’ITSFA de Sétif pour qu’il puisse former des « techniciens de haut niveau » (spécialisation complémentaire d’agronomes ou de vétérinaires) en production laitière, capables de répondre aux besoins exprimés par les responsables professionnels du secteur, tout en intégrant les dimensions du développement durable. Le projet repose sur un diagnostic partagé des besoins en formation. Suite à une série d’appuis, l’ITSFA, avec la contribution de quelques professionnels, a élaboré un référentiel professionnel, une ébauche de référentiel de certification et un référentiel de formation de conseiller spécialisé en production laitière comprenant un document d’accompagnement à sa mise en œuvre. Ce document d’une vingtaine de pages a été analysé par deux experts français, en février 2022.

Hervé Jacob, vous participez à ce projet depuis son commencement, quelle a été la spécificité de cette dernière mission d’expertise ?

C’est un projet auquel je participe effectivement depuis son démarrage fin 2018 avec plusieurs missions à Sétif en 2019, un suivi à distance en 2020 pour cause de COVID et une interruption de plusieurs mois dans un contexte franco-algérien une nouvelle fois « complexe » …
Reprendre ce projet est très motivant car il a, d’emblée, bénéficié d’un vrai soutien des opérateurs de la filière laitière de la région de Sétif (coopératives ou privés) et beaucoup de travail avait déjà été fait.
Avec mon nouveau binôme, Stéphanie, avec laquelle je crois pouvoir dire que l’entente a été très bonne, nous sommes rentrés dans le vif du sujet, à savoir le contenu de la formation de conseiller spécialisé en production laitière, son organisation temporelle, les modalités pédagogiques, etc…
Le groupe de travail côté algérien était très impliqué et nous avons, je crois, beaucoup progressé sur les 4 jours de cette première mission.
Au-delà de la satisfaction d’une mission utile, nous avons pu reprendre ou nouer avec certains membres de l’équipe une vraie relation, ce qui ne va pas toujours de soi, et ces moments-là, à mes yeux, sont très précieux !

Stéphanie Deltheil, qu’est-ce qui vous a amenée à répondre à l’appel à manifestation d’intérêt lancé par le réseau CEFAGRI pour cette mission ?

Enseignante depuis 2013, je souhaitais diversifier et enrichir l’aspect pédagogique de ma fonction. M’investir dans un projet de coopération internationale me permettait aussi de répondre à l’une des 5 missions de l’enseignement agricole.
Ma formation et mon expérience en production laitière, mon intérêt pour l’élevage à l’international, ainsi que mon statut d’enseignante m’ont permis de me positionner sur cet Appel à Manifestation d’Intérêt pour la mise en place d’un centre d’excellence en production laitière à l’ITSFA de Sétif en Algérie.

Comment avez-vous préparé cette mission ?

Nous avons participé avec Hervé à 2 entretiens en visioconférence avec la partie algérienne qui ont principalement permis d’organiser les présentations puisque j‘arrivais en remplacement de Dominique Baudry, coordinateur jusqu’en 2022 pour la DGER du programme PROFAS C+ dans lequel s’inscrit ce projet.
Hervé Jacob et Anne-Laure Roy, chargée de coopération avec le Maghreb au BRECI/DGER en charge de ce dossier, m’ont également fourni un corpus documentaire nécessaire à la compréhension du travail effectué en amont, et au contexte agricole et laitier algérien.
Nous avons ensuite travaillé ensemble à distance avec Hervé pour planifier les journées et les ateliers que nous souhaitions conduire au cours de la mission à venir.

Et sur place, en Algérie, comment s’est déroulée l’expertise ?

Nous avons alterné les périodes de travail en salle et les périodes sur le terrain.
Après un temps d’accueil, la première demi-journée de travail en salle nous a permis de revenir sur les missions précédentes, d’exposer les attentes de chacun, et de planifier les ateliers de la semaine.

Nous avons ensuite bénéficié d’une visite des nouvelles installations de l’ITSFA, qui devrait servir de support aux apprenants de la formation d’excellence.

Nos partenaires algériens nous ont ensuite réservé une journée entière de terrain : visites d’exploitations (familiales et jeunes investisseurs) et de la laiterie EL ANFAL, partie prenante dans ce projet.
Ces moments d’échanges nous ont permis d’appréhender le contexte local de la production laitière, de poursuivre la visite d’installations potentiellement supports pratiques pour les futurs apprenants, ainsi que de nous projeter sur les cas types qui pourront être rencontrés par les apprenants dans les élevages.
Nous avons également pu prendre conscience de l’hétérogénéité des exploitations visitées quant au niveau de formation des éleveurs, à la taille des exploitations, au faible niveau d’autonomie alimentaire, … et des difficultés que pourront rencontrer les futurs stagiaires dans l’exercice de leur métier de conseiller spécialisé en production laitière pour améliorer les pratiques.

   

Les journées suivantes ont été consacrées à des travaux de groupe en salle en vue de peaufiner le référentiel de formation et sa mise en application pratique.

Pouvez-vous nous présenter le livrable que vous avez dû élaborer ?

Dominique Baudry et Hervé Jacob avaient travaillé sur le référentiel de formation. L’objectif de cette nouvelle mission était d’approfondir le référentiel de formation, d’ajuster et d’enrichir le document afin d’en tirer le déroulé précis de la formation et de fixer les modalités pédagogiques et d’évaluation, enfin de répartir les tâches et responsabilités entre les enseignants, les intervenants professionnels, les administratifs et réfléchir ensemble à la logistique. A ce stade de la mission, nous avons donc principalement travaillé sur les modalités pratiques de la mise en place de la formation.

Que retenez-vous particulièrement de cette expérience ? Que vous a-t-elle apporté personnellement et/ou professionnellement ?

Comme évoqué par Hervé, les rencontres humaines ont été au cœur de cette première mission.
En premier lieu, celle avec mon binôme de travail, passionné et connaisseur de ce beau pays via les expériences antérieures personnelles et professionnelles qu’il y a vécues ; il m’a permis d’y faire mes premiers pas en toute confiance, et je l’en remercie. Il a été un guide précieux pour me permettre de prendre progressivement ma place dans cette mission.
Pour ma première visite en Algérie, je suis sincèrement enchantée de cette découverte et des nombreuses rencontres. Je souhaite d’ailleurs remercier sincèrement chacun des membres de la partie algérienne, tous ayant à cœur de mener à bien ce projet et nous ayant réservé un accueil chaleureux.
Cet accueil qui nous a été réservé, et le travail fourni par l’équipe algérienne depuis la mission précédente nous ont permis de nous mettre au travail rapidement et de travailler conjointement et efficacement.
Professionnellement, je souhaite réinvestir cette expérience dans mon enseignement, tant en terme de contenu que de gestion de groupe.
Auprès des élèves, cela me permettra d’approfondir avec eux les connaissances sur l’agriculture et l’élevage à l’international, l’importance des relations entre pays, l’intérêt qu il y a à faire preuve de curiosité envers « l’autre » en général et bien sûr transmettre également un message global d’ouverture.
Sur le plan de la gestion de groupe, cela m’a appris à travailler en équipe avec un certain nombre de contraintes fortes : immersion rapide avec reprise d’un projet déjà engagé, hétérogénéité des profils des intervenants et mixité des cultures, connaissance limitée du contexte, durée de mission courte, journées intenses et un objectif à très court terme de l’ouverture de la formation.

Quelles sont les suites envisagées ?

Une deuxième mission se prépare. Les objectifs sont à nouveau multiples et seront de terminer l’analyse en profondeur des 3 documents constitutifs du référentiel de certificat (référentiels professionnel + de certification + de formation) et de co-animer avec l’ITSFA de Sétif un atelier de présentation de la formation à une vingtaine d’acteurs de la filière (éleveurs traditionnels et modernes, GIPlait, Coopératives laitières, représentants de l’interprofession, universitaires du pôle agricole intégré de Sétif…). Les participants à l’atelier sont de potentiels intervenants dans la formation, de futurs recruteurs ou encadreurs de stage des conseillers. Enfin l’important sera d’ajuster le contenu du référentiel de certificat en fonction des retours de l’atelier.

Un challenge à relever afin que l’ouverture de cette formation d’excellence puisse avoir lieu en 2024 !

Crédit photographique de la photo de tête d’article : Le 360 Afrique

Propos recueillis par Vanessa Forsans, animatrice du réseau CEFAGRI, vanessa.forsans@educagri.fr

Contacts : Stéphanie Deltheil, enseignante en zootechnie, experte en productions laitières, stephanie.deltheil@educagri.fr, Hervé Jacob, ingénieur agronome consultant, hervejacob.agro@laposte.net

Gilles Tatin, chef du projet, référent Algérie et coopération internationale en DRAAF-SRFD Centre Val-de-Loire, Délégué Régional Ingénierie de Formation (DRIF), Animateur national du réseau DRIF (DGER), gilles.tatin@agriculture.gouv.fr

Anne-Laure Roy, chargée de coopération Maghreb au BRECI/DGER, anne-laure.roy@agriculture.gouv.fr, Rachid Benlafquih, chargé de mission expertise à l’international au BRECI/DGER, rachid.benlafquih@agriculture.gouv.fr




Soria, volontaire algérienne, est arrivée !

Soria, étudiante algérienne en Master 2 Écologie et Environnement à l’université Aïn Temouchent en Algérie, a pris ses quartiers à Macon-Davayé début mars 2023.

Logée à l’internat de l’Agro Bio Campus de Davayé, Soria a rapidement rencontré les élèves du club solidarité du lycée de Davayé, en présence de leur responsable Karine Boullay, également professeure de Mathématiques. Ce club solidarité, composé de 20 élèves volontaires du lycée, toutes classes confondues (Troisièmes, Secondes, Premières et Terminales), est à l’initiative d’un projet d’échange France-Algérie. Avec des premiers contacts initiés à la rentrée de septembre 2022 et suite à la visite de Zahira Souidi, professeure d’écologie environnementale à l’université Aïn Temouchent, le projet connaît un nouveau tournant avec la visite de Soria.

« Je vais rester ici jusqu’en juillet 2023 pour observer et découvrir les modes de travail agriculture dans le but de préparer mon mémoire de fin d’études portant sur le thème “Gestion des eaux pluviales” » précise-t-elle.

Prochaine étape de ce partenariat inédit, avec le déplacement de 11 élèves du club solidarité en Algérie.

Soria, volontaire service civique devant les élèves du club solidarite

Devant un groupe attentif, Soria s’est non seulement présentée, mais a aussi réalisé une présentation générale sur l’agriculture en Algérie à l’aide d’un PowerPoint qu’elle avait soigneusement préparé. Les thèmes des inégalités hommes/femmes en Algérie ont été abordés ainsi que la superficie agricole du pays, composée majoritairement de maraichage (71%) et de forage (7%) et la superficie forestière dont l’eucalyptus se place largement au-dessus des autres types de plante et végétation.

Ensuite, la jeune femme a présenté sa région d’origine, la wilaya d’Aïn Témouchent située au nord-ouest de l’Algérie. Avant de conclure cet échange interactif avec ses camarades des prochains mois, Soria a tenu à donner quelques conseils aux futurs visiteurs de son pays, notamment des cours de langues en traduisant les mots indispensables à connaître en algérien (bonjour, merci, bienvenue, combien ça coûte etc…) mais aussi en présentant quelques photos de son université, lieu incontournable à visiter à Aïn Témouchent. Enfin, derniers conseils, et pas des moindres, les spécialités culinaires algériennes qui ont suscité beaucoup d’intérêt de la part des élèves du club solidarité.

N’ayant pas eu beaucoup de temps pour visiter depuis son arrivée, Soria a hâte de découvrir la région.

« J’ai visité rapidement Mâcon et Cluny pour le moment et je compte bien visiter toute la région grâce aux élèves ».

À commencer dès le vendredi de son arrivée avec une excursion à Dijon après la réunion régionale des services civiques au rectorat. Le programme du lendemain, visite et découverte de la fromagerie du domaine des Poncetys à Davayé dans le but de, pourquoi pas, ramener un nouveau savoir-faire en terres algériennes.

Ce projet s’inscrit dans un projet plus global avec le club solidarité du lycée – Actions 2022/2023 du club et nombreux partenariats à découvrir sur le site du RED

Découvrez la carte avec les volontaires internationaux accueillis en lycée agricole en 2023.

Contacts : Article proposé par Karine Boullay, Enseignante de Mathématique, Animatrice du club solidarité