Vertus des mobilités africaines #3 : témoignage d’Arielle aujourd’hui enseignante-chercheuse
Portrait d’Arielle Vidal, ex-étudiante de BTS P.A, aujourd’hui enseignante-chercheure à l’INP Purpan, Toulouse.
En 2010, avec le Club UNESCO des Pyrénées, nous sommes partis avec d’autres étudiants pendant 15 jours dans l’Est du Cameroun. Notre séjour avait pour objectif de participer à la construction d’une première école en matériaux durables, destinée aux enfants Baka du campement de Lakabo. Durant ce séjour, nous avons appris les techniques de construction en utilisant des matériaux locaux (bois, bambou, raphia, brique de terre) extraits pour la quasi-totalité de la forêt. Les Baka nous ont amené dans la forêt pour les trouver. En dehors de nos activités de construction, nous avons eu de très beaux échanges avec les habitants et leurs enfants sur leur culture autour de la musique, de l’artisanat, de la chasse… En 2012, je suis retournée avec une autre équipe sur place pour continuer ces projets. Durant ces années au Club UNESCO des Pyrénées et en partenariat avec l’ONG 09 Cameroun, j’ai pu développer des compétences en gestion de projet (planification, recherche de fonds, développement d’un réseau de partenaires), et en organisation d’événementiel pour financer nos projets au travers de concerts de solidarité intitulés Un concert, une école !. Ces événements se basaient sur les principes du développement local (produits locaux, rémunérations justes des artistes, etc.) afin d’être bénéfique aux deux territoires.
Cette expérience, en Afrique, m’a permis d’obtenir une bourse de thèse financée par l’INRAE et le CIRAD pour étudier la transition agroécologique des élevages agro-pastoraux en France et au Burkina Faso. Durant ces trois années, j’ai pu collaborer avec une équipe de recherche au Burkina Faso (CIRDES). J’ai été en mission dans la région cotonnière de Bobo-Dioulasso pour enquêter les éleveurs et les éleveuses sur les pratiques d’élevage et des acteurs de la production laitière.
Actuellement, je suis enseignante-chercheure à l’INP Purpan de Toulouse. J’enseigne les productions animales (gestion des systèmes d’élevage, agroécologie et économie des filières animales). Mes activités de recherche sont axées autour de la transition agroécologique des élevages dans les pays du Nord (France) et du Sud (Burkina Faso).
Actuellement, je continue des collaborations de recherche avec la participation des acteurs locaux en Afrique comme en France. Mes expériences enrichissent les enseignements pour faire découvrir aux étudiants la diversité des élevages dans le monde. Nous développons, également, la coopération avec le service des relations internationales de Purpan afin que les nouvelles générations d’étudiant.e.s aient l’opportunité de s’ouvrir à des cultures différentes et enrichissent leur parcours.
Rachid BENLAFQUIH, Chargé de mission Afrique / Éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale / Expertise internationale au BRECI-DGER, rachid.benlafquih@agriculture.gouv.fr
Vertus des mobilités africaines #1 : témoignage de Cyril aujourd’hui agriculteur
Portrait de Cyril Sentenac, ex-étudiant de BTS P.A, aujourd’hui installé en Ariège, à St Ybars.
Étudiants en BTSA PA au LEGTA de Pamiers en 2016, nous avons fait le choix, en tant que groupe de projet PIC (projet initiative et communication), de partir au Cameroun. Sur la période des vacances de février 2016, nous nous sommes donc « envolés » durant 10 jours dans la forêt tropicale camerounaise à la rencontre de ses premiers habitants, les Pygmées Baka. Notre mission : construire la maison de l’institutrice du campement, et donc permettre aux enfants de cette communauté d’avoir accès à l’éducation. EN 10 jours, notre groupe (6 étudiantes et étudiants) a rempli sa mission.
Pas moins de 8 000€ ont été nécessaires au financement du projet, comprenant les frais de transport, de séjour, les visas et vaccins, le matériel médical, les matériaux de construction…
Plusieurs actions ont été préalablement mises en place pour couvrir ces frais : la vente de produits alimentaires au sein du lycée ou sur des manifestations agricoles départementale, et l’appel aux dons, 11 généreux donateurs, dont en particulier la région Occitanie, ont répondu à notre appel.
Si Nous avons apporté notre soutien à quelques habitants de ce monde, à travers des biens de première nécessité, mais surtout de la joie, l’accès à l’éducation et une maison, nous sommes repartis avec tellement plus ! Avec un maitre mot, le PARTAGE : celui de la nourriture et de la boisson, mais aussi je jeu et le plaisir avec les parties de football et les danses et la musique, les façons de cultiver, de chasser, de penser la forêt et la terre, et enfin le rapport entre la vie et la mort si différent du nôtre.
Pour autant, à notre retour, encore de grandes questions restent encore à élucider :
l’éducation « à l’européenne” aura-t-elle un effet de synergie avec leur culture ancestrale ou ne sera-t-elle qu’une nouvelle tête de pont de la mondialisation ?
La plantation de palmiers à huile, vue comme permettant l’accès à un emploi et un salaire, ou bien catastrophe écologique engendrée par la déforestation de masse ?
Nous avons essayé de retranscrire toutes ses idées au travers d’un film, dans l’objectif de motiver les étudiants et les partenaires à continuer ces actions citoyennes.
Finalement, si nous avons apporté un peu de notre soutien physique, financier, et donné une parcelle de nous-mêmes, ils ont transformé profondément notre regard sur le monde et influencé nos choix de demain.
Pour moi, ces valeurs sont toujours visibles aujourd’hui, j’ai la volonté d’accueillir des personnes handicapées, des enfants, des parents, … pour leur faire découvrir mon univers, celui d’une exploitation consacrée à l’élevage d’ânesses qui produisent du lait que je transforme en cosmétiques. C’est aussi échanger autour de la production BIO…et plus largement sur l’agriculture en général. Je crois pouvoir retrouver aussi ces valeurs de solidarité dans l’engagement en tant que sapeur-pompier volontaire… « aider le monde » à ma modeste échelle.
Et puis, au delà de ces échanges, je crois que la force et les capacités de résistance de nos amis Baka nous ont permis de relativiser nos propres difficultés dans la création de notre exploitation. C’est une autre leçon, et pas la moindre !
Rachid BENLAFQUIH, Chargé de mission Afrique / Éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale / Expertise internationale au BRECI-DGER, rachid.benlafquih@agriculture.gouv.fr
CAMEROUN : des Coopérations actives
Malgré la pandémie mondiale , les coopérations entre les établissements d’enseignement agricole Camerounais et français se portent bien.
Lors d’une récente mission sur place, le Lycée Jules Rieffel (EPL Nantes Terre Atlantique) s’est rendu chez ses 3 partenaires :
-le Collège Régional d’Agriculture d’Ebolowa.
-Le C2IDE de Ngalla
-Le Centre de Coopération Cameroun-France 3CF
Une occasion pour développer encore et toujours de nouveaux projets.
Présentation :L’établissement d’Ebolowa dispense la formation de conseiller agropastoral à 220 apprenants. Il possède des internats, un atelier pédagogique de transformation du cacao en chocolat et produits dérivés issu de la coopération avec l’établissement Nantes Terre Atlantique. Ce projet à permis de créer des relations également avec la coopération allemande et belge. L’établissement est moteur dans son territoire en développant avec la collectivité d’Ebolowa, une marque de territoire « Made in Ebolowa », il a également permis à la collectivité de décrocher le label de « Territoire de Commerce Equitable ». Tous ces éléments sont résumé dans le reportage « Keka Wongan, notre cacao made in Ebolowa – Cameroun » en libre accès sur YouTube.
L’Actualité : Les apprenants EcoResponsables ont fortement développé leur réseau interne et leur actions de sensibilisation à l’environnement. Ils sont volontaires et organisés sous forme associative avec chacun un rôle au sein du mouvement (délégué, communication, trésorier…). Il a été organisé 3 audio conférences avec la France qui ont permis de croiser les regards des acteurs et des apprenants français et camerounais sur le développement durable et le commerce équitable.
De son côté, l’atelier de transformation Keka Wongan accueille aujourd’hui les apprenants dans le cadre d’un module d’adaptation locale « développement durable et commerce équitable » , mais accueille également des jeunes en formation sur des produits d’hygiènes à base de cacao (en collaboration avec la coopération allemande). De plus la guilde des chocolatiers de Bruges venus visiter l’atelier avant la pandémie et rencontrer les producteurs souhaitent créer une filière durable, les discussions sont toujours en cours pour la mise en place des modalités. L’école accompagne les producteurs dans cette démarche. La crise du covid ayant impacté le fonctionnement de l’école et de son atelier, un audit a été lancé à la demande des deux porteurs de projet en jumelage, le lycée Jules Rieffel (EPL Nantres Terre Atlantique) et la Direction du Collège Régional d’agriculture d’Ebolowa. Le bilan de l’audit fait ressortir un besoin de réorganisation technique et fonctionnel afin de compenser les mois de crise qui ont ralenti et désorganisé l’activité et la production de l’atelier. Un plan d’action a été validé collectivement et entre en vigueur à partir du 1 juillet 2021, il comprend la réorganistion de la production, sur le plan technique et celui des ressouces humaines ainsi que la création d’outils de suivi de production, tant sur le plan quantitatif que qualitatif.
Les prochaines activités de coopérations prévues sont :
-L’organisation d’un comité de pilotage de l’atelier pédagogique
-Le développement du Centre de Coopération Cameroun-France 3CF, structure d’intermédiation entre les partenaires camerounais et français
-L’organisation d’un séminaire multi acteurs sur la thématique des jumale te des ateliers pédagogiques
-la reprise des mobilités des stagiaires.
2 – CENTRE INTERNATIONAL D’INITIATION AU DÉVELOPPEMENT ET À L’ENVIRONNEMENT (C2IDE) :
Présentation: Situé à Ngalla à 1heure de trajet de la ville d’Akonolinga et 2h30 de Yaoundé, le C2IDE se situe en zone rurale et forme les apprenants sur la production agricole et le développement. Il y a 4 formateurs et 50 apprenants. Il a la particularité d’utiliser les terres dites « bas fond » non exploitées et facile d’accès en terme foncier. Il possède une pépinière d’arbres fruitiers, de la production animales (volailles et moutons), des ruches, une palmeraie, une cacaoyère, une production de citrus, des étangs de pisciculture, un atelier pédagogique en cours de finalisation.
Depuis 2018, une lettre d’intention a été signé avec son partenaire le Lycée Jules Rieffel (EPL Nantes Terre Atlantique, elle a permis de développer plusieurs axes de travail dont voici un extrait :
« Les axes de coopération entre les deux parties sont :
La production de connaissances dans le domaine de la pédagogie à travers l’innovation technique et/ou technologique impliquant tous les acteurs (apprenants, formateurs et acteurs du territoire) ;
Animation du territoire par le développement d’une économie sociale et solidaire :
Coopération internationale visant à mondialiser les produits locaux issus du développement durable des ressources locales disponibles.
Ces trois axes abordent les cinq domaines relatifs à :
L’économie sociale et solidaire
L’environnement : Développement durables des ressources
Valorisation des potentialités de production agropastorale et halieutique
L’expérimentation : tester et appliquer
Gouvernance des structures et des sous projets : politique- communication
Pour leurs intérêts mutuels, les parties déclarent expressément respecter les principes d’égalité, de co construction et de réciprocité dans le cadre de la coopération ;
Les Parties identifient trois modalités prioritaires de coopération dans les domaines arrêtés :
(1) La mise en place de sous projets pédagogiques et techniques/technologiques donnant lieu à la signature de conventions inter-établissements spécifiques.
(2) Le partage d’expertise. Les Parties s’engagent, à mobiliser l’expertise de leurs établissements, services déconcentrés et centraux pour la mise en œuvre d’activités spécifiques dans le cadre des sous projets définis
(3) La mobilité réciproque des apprenants, enseignants, formateurs et personnels, notamment à l’occasion de stages à visée professionnelle. Les Parties s’engagent à promouvoir les échanges et la mobilité, au sein des modalités identifiées en (1) et (2) ou via des mécanismes spécifiques
(4). L’organisation des cérémonies à caractère socio-culturel visant le développement des valeurs communes. »
Ces axes de travail ont déjà permis la réalisation de plusieurs actions concrètes et ont favorisé l’émergence de nouveaux projets, dont celui d’un atelier pédagogique.
Actualité : l’aménagement de nouveaux étangs de pisciculture, le développement de la pépinière avec des plants de cacao en cours de germination. L’amélioration du matériel d’extraction de la palmeraie, le développement du verger d’arbres fruitiers. La construction de l’atelier pédagogique permet d’avoir 4 espaces de travail, un espace de fabrication de brique (bloc de terre comprimée ecologique), un magasin de stockage du matériel, un espace d’horticulture (bouturage, marcotage, rempotage…) , un espace partagé pour le matériel d’apiculture et de pisciculture. Un autre projet de batiment est en cours pour l’apiculture.
Cette rencontre a été l’occasion de travailler avec l’ensemble de l’équipe et les apprenants. L’historique et les axes de la coopération on été présenté aux nouveaux apprenants et des propositions d’actions ont été faites par chacun.
Ensuite, toute l’équipe à travaillé le projet de coopération dont l’axe principal sera que le C2IDE devienne le fournisseur de matière première de l’atelier de transformation du Centre de Coopération 3CF. Cela va permettre un complément de formation aux apprenants et permettre de développer les productions du C2IDE en agriculture biologique.
Prochaine : Nous avons accueillis les représentants du C2IDE lors d’un travail sur l’engagement EcoResponsables des apprenants au CRA d’Ebolowa, le réseau doit se développer au sein du C2IDE, ils seront accompagnés par leurs camarades du CRA D’Ebolowa et par ceux de Nantes Terre Atlantique. De plus nous aurons à mettre en cohérence les productions du C2IDE et les besoins de l’atelier de transformation du Centre de coopération 3CF. Une formation sur les pratiques de l’agriculture biologique doit aussi être organisé. L’ensemble de l’équipe sera également conviée lors du prochain séminaire sur la coopération.
Contexte : Fondé par Antoine MBIDA et florent DIONIZY sous forme d’association, le Centre de Coopération 3CF a pour objectif principal d’être un structure d’intermédiation entre les partenaires français et camerounais et également un centre de formation pilote sur la transformation.Un atelier pédagogique de transformation des produits agricoles est en cours de finalisation ainsi qu’une salle de séminaire. La finalité du centre est de développer des formations autour de la valorisation des produits. À moyen termes 4 salles de classes et des espaces de coworking seront également construit.
Situé sur les hauteurs de Yaoundé dans le quartier Odza dans un espace clos et securisé, le centre possède également un batiment comprenants 5 appartements avec salle d’eau et cuisine. Ils sont divisibles en chambres individuelles et peuvent accueillir jusqu’à 20 personnes ainsi qu’un espace restauration collectif. Cette logistique facilite grandement les liens entre les structures. Le terrain possède une plantation de cacao et de bananiers à titre démonstratif.
Actualité : l’atelier pédagogique de transformation sera opérationnel fin 2021, les équipements sont déjà sur place. La salle de séminaire le sera également. Une convention tripartite signée avec Nantes Terre Atlantique et le CRA d’Ebolowa permet au centre d’être un relais technique pour les mobilités entrantes. De plus la proposition d’un projet de convention bi partite validé par le conseil d’administration du Centre de coopération 3CF fait de lui l’opérateur interface lors des échanges techniques et financiers. Le projet du centre associe notamment le C2IDE, les producteurs, la Chambre d’Agriculture du Cameroun, la DGER, l’EPL Nantes Terre Atlantique, une réflexion a démarré sur les métiers liés à la transformation et la distribution des produits dans le cadre de la rénovation AFOP. Elle pourrait donner lieu à la création d’un nouveau parcours de la formation professionnelle au Cameroun.
Prochaine étape : signature de la convention avec le lycée Jules Rieffel (EPL Nantes Terre Atlantique) pour être mandataire de l’organisation des mobilités au Cameroun. L’organisation de la coopération entre les deux structures, la projection des mobilités, les actions communes
3 temps forts à venir sur l’année scolaire 2021-2022 :
-une mobilité préparatoire avec les apprenants de Nantes Terre Atlantique à l’automne 2021, -l’organisation d’un séminaire multi acteurs premier semestre 2022,
-une mobilité du réseau Education au Développement Durable et organisation des stages en juin-juillet 2022.
Contacts :
florent.dionizy@educagri.fr
Rachid BENLAFQUIH, Chargé de mission Afrique / Éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale / Expertise internationale au BRECI-DGER, rachid.benlafquih@agriculture.gouv.fr
10 ans au service du réseau « Cameroun »
Régis Dupuy est enseignant au lycée agricole de Pamiers (09), il est investi dans la coopération internationale depuis 20 ans et a été l’animateur, très apprécié, du réseau Cameroun de l’enseignement agricole de 2011 à 2021.
Dans cette interview réalisée en juin 2021, Régis revient sur sa mission d’animateur du réseau géographique Cameroun, pour la Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche, sur les nombreux projets suivis, ses rencontres et découvertes avec le Cameroun et ses habitants. Cet article est illustré de nombreuses photos réalisées par Régis lui-même, dont certaines font partie d’une exposition qu’il se propose aussi de présenter dans les lycées qui souhaiteront organiser un évènement de découverte de la culture camerounaise.
Portailcoop : Peux-tu nous rappeler l’origine de ton intérêt pour le Cameroun et des projets pédagogiques menés avec les partenaires camerounais ?
Regis Dupuy : A l’origine de la plupart de nos actions, il y a souvent des rencontres déterminantes. En l’occurrence, c’est la visite du président de l’association « 09 Cameroun » dans le lycée où je venais d’arriver, il y a 20 ans ! Il était à la recherche d’éventuelles compétences dans le secteur agricole dont il pensait qu’elles pourraient être utiles pour une association qui, jusque là, œuvrait dans le domaine sanitaire et celui de l’éducation de base.
Comme les années précédentes, je participais à des actions de coopération décentralisée menées en Côte d’Ivoire, pour le compte de l’établissement où j’étais enseignant. L’expérience acquise dans ces actions, même modeste, ne pouvait pas s’arrêter là !
D’autant que dans la zone où intervenait l’association, une école technique d’agriculture, l’équivalent de nos lycées, ne demandait qu’à tisser des liens avec de nouveaux partenaires. Et ces liens, jusqu’à aujourd’hui, ont toujours été entretenus.
Portailcoop : Peux-tu citer quelques projets emblématiques suivis avec le réseau national Cameroun de l’enseignement agricole ?
Regis Dupuy : Le réseau Cameroun, dès 2011, en tant qu’animateur, était la voie la plus efficace pour construire à plus grande échelle des relations entre établissements des deux pays. L’objectif ambitieux consistait à impulser de véritables nouveaux partenariats. Et je dois dire que cette tâche n’a pas été facile à mener, de multiples freins existaient.
Malgré cela je retiens la réussite d’un formidable projet, Keka-Wongan, né de la rencontre entre Florent Dionizy, collègue de l’EPL de Nantes et Antoine Mbida, directeur du CRA (collège régional d’agriculture d’Ebolowa). Projet initié dès 2012 et qui ne s’arrête pas de grandir, il est pris dans une spirale vertueuse que son pouvoir d’attraction s’auto-alimente sans cesse.
Pour les collègues qui voudraient s’inspirer de ce modèle, vous pouvez retrouver le documentaire, Keka Wongan -Notre cacao, le film qui lui est consacré dans la sélection du festival Alimenterre 2020.
Ce que je retiens aussi, c’est le projet d’ateliers pédagogiques entre 5 établissements français et camerounais, né en 2018 à l’initiative de Pierre Blaise Ango, le coordonnateur national au Cameroun du vaste et remarquable programme de réforme de l’enseignement agricole dans ce pays. Ce projet a souffert, comme beaucoup d’autres, de la longue période de confinement, mais son nouveau départ est fixé pour l’automne 2021 avec l’accueil des 5 partenaires camerounais dans nos établissements.
Portailcoop : Quels sont pour toi les apports principaux pour les apprenants, les personnels et aussi l’animateur du réseau des collaborations et mobilités en Afrique et au Cameroun en particulier ?
Regis Dupuy : Je suis persuadé que la réalisation de projets en commun, dans lesquels chacun apporte sa contribution, quel que soit le niveau d’importance de la tâche ou la nature de la question à traiter, est le meilleur moyen d’agir pour « l’enrichissement » de chacun qui aboutit forcément, dans ce cas, à l’intérêt commun. Cela vaut pour tous les acteurs concernés, qu’il s’agisse des apprenants ou des personnels.
C’est pour cette raison que les projets d’ateliers pédagogiques, qui, en deux mots, consistent dans la création d’un atelier technologique (transformation du manioc par exemple, ou bien atelier d’agroéquipement) doublé de la création d’un module de formation ad’hoc sont très intéressants. Ils mobilisent les compétences de part et d’autre dans un même objectif final, fortement utile et fortement gratifiant. Une fois la démarche engagée, chacun doit agir en interrelation avec son partenaire pour parvenir à la création du produit commun, et cela s’inscrit dans une durée relativement longue.
Au-delà de ce cadre d’un montage de projet, je redirai ce qui a maintes fois été rappelé et ce dont nous sommes persuadés, la rencontre avec l’autre et l’ailleurs agrandit toujours notre regard, notre expérience et nos manières de penser. Et lorsqu’il s’agit de l’Afrique, nous pouvons considérer que cet agrandissement est bien réel.
Portailcoop : Un conseil pour le futur animateur du réseau ?
Regis Dupuy : Sans vouloir donner de conseil, mais plutôt quelques repères, nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler, je considère que les interlocuteurs qui comptent et sur qui on peut compter sont de vraies personnes ressources. Leurs contacts sont précieux et leur parole riche de sens.
Lorsque j’ai suivi les traces de Joël Magne, animateur du réseau Cameroun avant que je ne lui succède, nous avions fait une mission de tuilage au Cameroun, consacrée en bonne partie à la rencontre de ses personnes ressources.
Portailcoop : Peux-tu enfin nous parler de l’exposition photo sur le campement Pygmée Baka que tu proposes de rendre itinérante et de présenter dans les lycées agricoles intéressés ?
Regis Dupuy : C’est un projet qui me tient à cœur ! Cette expo est composée de 45 à 50 cadres en formats différents, de 13×18 à 70×100, une partie en couleur, une autre en noir et blanc. On peut se demander pourquoi une telle diversité de formats, tout simplement parce qu’elle répond aux objectifs des « images ». Certaines ont besoin d’intimité et ne se donnent à voir qu’en s’approchant tout près, ce qui nous oblige à aller à leur rencontre, à se mettre à leur hauteur ; d’autres, au contraire, en imposent par leur taille et la force du message qu’elles délivrent, et, en couvrant le bruit de leurs voisines. Ce sont elles qui mobilisent notre premier regard et qui, généralement, l’impriment.
Pourquoi de la couleur et du noir et blanc ?
La réponse est essentiellement esthétique, certaines lumières subliment les verts et les bruns, mais aussi les détails des expressions, si bien qu’il serait dommage de ne pas les laisser parler dans ces moments propices. En contrepartie, le choix du noir et blanc a lui aussi un avantage, celui de simplifier les messages et, en quelque sorte, de les sanctuariser… mais, par réaction, assez souvent, cela nous conduit à avoir envie de découvrir la complexité qui se cache derrière la simplicité.
J’aurais du commencer par là, les photos sont majoritairement des scènes de vie, elles sont donc consacrées aux acteurs eux-mêmes, les Pygmées Baka dans leur vie quotidienne. Il s’agit de « portraits » collectifs ou de «portraits» individuels. Portraits entre guillemets, parce qu’il ne s’agit pas de portraits formels comme on pourrait encore l’entendre, bien évidemment.
Reste à justifier le choix de sujet ! Deux raisons : d’abord parce que membre de l’association « 09 Cameroun », j’avais dans mes missions le suivi de l’activité de l’association et des partenaires locaux du campement Baka de Lakabo ; ensuite, parce qu’avec des apprenants et des collègues, nous avons mené beaucoup de projets destinés à ce campement, in situ.
Cela ne se voit pas, parce que nous avons toujours l’impression que la durée n’existe pas dans une expo photo, mais ici, la durée est bien présente, elle est précisément de 15 ans.
En termes pratiques, il faut un minimum de surface d’exposition pour accrocher les cadres. En général les grilles mobiles d’expo sont la solution la plus simple. Je me déplace pour le transport et l’accrochage…et ensuite le décrochage. La durée optimale d’exposition est autour de 15 jours, voire 3 semaines. Je peux aussi intervenir en cours à la demande de collègues, bien entendu, qui souhaiteraient en savoir davantage sur la vie des Pygmées Baka au Sud-Cameroun.
La construction d’un centre d’accueil à Yaoundé par le programme KEKA-Wongan : Centre destiné à l’accueil de stagiaires, spécialement ceux-de notre enseignement agricole.
Le documentaire « Lakabo, Campement Baka » – Février 2016,
14 minutes très sympa, vu et monté par Cyril Sentenac, élève au LEGTA de Pamiers et membre actif du Club UNESCO des Pyrénées.
Contacts :
Régis DUPUY, regis.dupuy@educagri.fr
Rachid BENLAFQUIH, Chargé de mission Afrique / Éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale / Expertise internationale au BRECI-DGER, rachid.benlafquih@agriculture.gouv.fr