Vertus des mobilités africaines #1 : témoignage de Cyril aujourd’hui agriculteur
Portrait de Cyril Sentenac, ex-étudiant de BTS P.A, aujourd’hui installé en Ariège, à St Ybars.
Étudiants en BTSA PA au LEGTA de Pamiers en 2016, nous avons fait le choix, en tant que groupe de projet PIC (projet initiative et communication), de partir au Cameroun. Sur la période des vacances de février 2016, nous nous sommes donc « envolés » durant 10 jours dans la forêt tropicale camerounaise à la rencontre de ses premiers habitants, les Pygmées Baka. Notre mission : construire la maison de l’institutrice du campement, et donc permettre aux enfants de cette communauté d’avoir accès à l’éducation. EN 10 jours, notre groupe (6 étudiantes et étudiants) a rempli sa mission.
Pas moins de 8 000€ ont été nécessaires au financement du projet, comprenant les frais de transport, de séjour, les visas et vaccins, le matériel médical, les matériaux de construction…
Plusieurs actions ont été préalablement mises en place pour couvrir ces frais : la vente de produits alimentaires au sein du lycée ou sur des manifestations agricoles départementale, et l’appel aux dons, 11 généreux donateurs, dont en particulier la région Occitanie, ont répondu à notre appel.
Si Nous avons apporté notre soutien à quelques habitants de ce monde, à travers des biens de première nécessité, mais surtout de la joie, l’accès à l’éducation et une maison, nous sommes repartis avec tellement plus ! Avec un maitre mot, le PARTAGE : celui de la nourriture et de la boisson, mais aussi je jeu et le plaisir avec les parties de football et les danses et la musique, les façons de cultiver, de chasser, de penser la forêt et la terre, et enfin le rapport entre la vie et la mort si différent du nôtre.
Pour autant, à notre retour, encore de grandes questions restent encore à élucider :
l’éducation « à l’européenne” aura-t-elle un effet de synergie avec leur culture ancestrale ou ne sera-t-elle qu’une nouvelle tête de pont de la mondialisation ?
La plantation de palmiers à huile, vue comme permettant l’accès à un emploi et un salaire, ou bien catastrophe écologique engendrée par la déforestation de masse ?
Nous avons essayé de retranscrire toutes ses idées au travers d’un film, dans l’objectif de motiver les étudiants et les partenaires à continuer ces actions citoyennes.
Finalement, si nous avons apporté un peu de notre soutien physique, financier, et donné une parcelle de nous-mêmes, ils ont transformé profondément notre regard sur le monde et influencé nos choix de demain.
Pour moi, ces valeurs sont toujours visibles aujourd’hui, j’ai la volonté d’accueillir des personnes handicapées, des enfants, des parents, … pour leur faire découvrir mon univers, celui d’une exploitation consacrée à l’élevage d’ânesses qui produisent du lait que je transforme en cosmétiques. C’est aussi échanger autour de la production BIO…et plus largement sur l’agriculture en général. Je crois pouvoir retrouver aussi ces valeurs de solidarité dans l’engagement en tant que sapeur-pompier volontaire… « aider le monde » à ma modeste échelle.
Et puis, au delà de ces échanges, je crois que la force et les capacités de résistance de nos amis Baka nous ont permis de relativiser nos propres difficultés dans la création de notre exploitation. C’est une autre leçon, et pas la moindre !
Rachid BENLAFQUIH, Chargé de mission Afrique / Éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale / Expertise internationale au BRECI-DGER, rachid.benlafquih@agriculture.gouv.fr
Ramatou, consultante en cacaoculture après un service civique au lycée agricole de Fayl-Billot
Ma mission de service civique au LPA de Fayl-Billot
Alors étudiante à l’INFPA, plus précisément à l’École Régionale d’Agriculture de Bingerville, j’ai effectué de novembre 2018 à juin 2019 une mission de service civique au LPA de Fayl-Billot. Cette mission, intitulée « Maraîchage biologique et horticulture », consistait en particulier à mettre en place plusieurs cultures maraîchères et à utiliser des engins agricoles.
Ce que m’a apporté cette mission de service civique
Le service civique m’a permis de vivre une nouvelle expérience, de gagner en confiance, en compétence. Il m’a permis d’échanger, d’apprendre des valeurs des autres, d’avoir une ouverture sur le monde extérieur et de mieux réfléchir sur mon propre avenir.
Pour en savoir plus, vous pouvez visionner mon témoignage lors des rencontres des réseaux Afrique de l’Ouest au LEGTA Le Chesnoy :
Mon emploi en Côte d’Ivoire
Désormais, je suis consultante agricole, coach de durabilité COMDEV (Développement Communautaire). Il s’agit d’un contrat de prestation de service avec la société SACO (Société Africaine de Cacao).
Mon travail se base sur des enquêtes, sur le droit de l’homme, le travail des enfants dans le domaine du cacao… Je travaille avec des coopératives agricoles, des producteurs et manœuvres dans les champs, après avoir pris un rendez-vous avec eux.
C’est un contrat de 11 mois renouvelable, je vais continuer jusqu’à avoir les moyens de m’installer à mon propre compte.
Contacts :
vanessa.forsans@educagri.fr
Rachid BENLAFQUIH, Chargé de mission Afrique / Éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale / Expertise internationale au BRECI-DGER, rachid.benlafquih@agriculture.gouv.fr
10 ans au service du réseau « Cameroun »
Régis Dupuy est enseignant au lycée agricole de Pamiers (09), il est investi dans la coopération internationale depuis 20 ans et a été l’animateur, très apprécié, du réseau Cameroun de l’enseignement agricole de 2011 à 2021.
Dans cette interview réalisée en juin 2021, Régis revient sur sa mission d’animateur du réseau géographique Cameroun, pour la Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche, sur les nombreux projets suivis, ses rencontres et découvertes avec le Cameroun et ses habitants. Cet article est illustré de nombreuses photos réalisées par Régis lui-même, dont certaines font partie d’une exposition qu’il se propose aussi de présenter dans les lycées qui souhaiteront organiser un évènement de découverte de la culture camerounaise.
Portailcoop : Peux-tu nous rappeler l’origine de ton intérêt pour le Cameroun et des projets pédagogiques menés avec les partenaires camerounais ?
Regis Dupuy : A l’origine de la plupart de nos actions, il y a souvent des rencontres déterminantes. En l’occurrence, c’est la visite du président de l’association « 09 Cameroun » dans le lycée où je venais d’arriver, il y a 20 ans ! Il était à la recherche d’éventuelles compétences dans le secteur agricole dont il pensait qu’elles pourraient être utiles pour une association qui, jusque là, œuvrait dans le domaine sanitaire et celui de l’éducation de base.
Comme les années précédentes, je participais à des actions de coopération décentralisée menées en Côte d’Ivoire, pour le compte de l’établissement où j’étais enseignant. L’expérience acquise dans ces actions, même modeste, ne pouvait pas s’arrêter là !
D’autant que dans la zone où intervenait l’association, une école technique d’agriculture, l’équivalent de nos lycées, ne demandait qu’à tisser des liens avec de nouveaux partenaires. Et ces liens, jusqu’à aujourd’hui, ont toujours été entretenus.
Portailcoop : Peux-tu citer quelques projets emblématiques suivis avec le réseau national Cameroun de l’enseignement agricole ?
Regis Dupuy : Le réseau Cameroun, dès 2011, en tant qu’animateur, était la voie la plus efficace pour construire à plus grande échelle des relations entre établissements des deux pays. L’objectif ambitieux consistait à impulser de véritables nouveaux partenariats. Et je dois dire que cette tâche n’a pas été facile à mener, de multiples freins existaient.
Malgré cela je retiens la réussite d’un formidable projet, Keka-Wongan, né de la rencontre entre Florent Dionizy, collègue de l’EPL de Nantes et Antoine Mbida, directeur du CRA (collège régional d’agriculture d’Ebolowa). Projet initié dès 2012 et qui ne s’arrête pas de grandir, il est pris dans une spirale vertueuse que son pouvoir d’attraction s’auto-alimente sans cesse.
Pour les collègues qui voudraient s’inspirer de ce modèle, vous pouvez retrouver le documentaire, Keka Wongan -Notre cacao, le film qui lui est consacré dans la sélection du festival Alimenterre 2020.
Ce que je retiens aussi, c’est le projet d’ateliers pédagogiques entre 5 établissements français et camerounais, né en 2018 à l’initiative de Pierre Blaise Ango, le coordonnateur national au Cameroun du vaste et remarquable programme de réforme de l’enseignement agricole dans ce pays. Ce projet a souffert, comme beaucoup d’autres, de la longue période de confinement, mais son nouveau départ est fixé pour l’automne 2021 avec l’accueil des 5 partenaires camerounais dans nos établissements.
Portailcoop : Quels sont pour toi les apports principaux pour les apprenants, les personnels et aussi l’animateur du réseau des collaborations et mobilités en Afrique et au Cameroun en particulier ?
Regis Dupuy : Je suis persuadé que la réalisation de projets en commun, dans lesquels chacun apporte sa contribution, quel que soit le niveau d’importance de la tâche ou la nature de la question à traiter, est le meilleur moyen d’agir pour « l’enrichissement » de chacun qui aboutit forcément, dans ce cas, à l’intérêt commun. Cela vaut pour tous les acteurs concernés, qu’il s’agisse des apprenants ou des personnels.
C’est pour cette raison que les projets d’ateliers pédagogiques, qui, en deux mots, consistent dans la création d’un atelier technologique (transformation du manioc par exemple, ou bien atelier d’agroéquipement) doublé de la création d’un module de formation ad’hoc sont très intéressants. Ils mobilisent les compétences de part et d’autre dans un même objectif final, fortement utile et fortement gratifiant. Une fois la démarche engagée, chacun doit agir en interrelation avec son partenaire pour parvenir à la création du produit commun, et cela s’inscrit dans une durée relativement longue.
Au-delà de ce cadre d’un montage de projet, je redirai ce qui a maintes fois été rappelé et ce dont nous sommes persuadés, la rencontre avec l’autre et l’ailleurs agrandit toujours notre regard, notre expérience et nos manières de penser. Et lorsqu’il s’agit de l’Afrique, nous pouvons considérer que cet agrandissement est bien réel.
Portailcoop : Un conseil pour le futur animateur du réseau ?
Regis Dupuy : Sans vouloir donner de conseil, mais plutôt quelques repères, nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler, je considère que les interlocuteurs qui comptent et sur qui on peut compter sont de vraies personnes ressources. Leurs contacts sont précieux et leur parole riche de sens.
Lorsque j’ai suivi les traces de Joël Magne, animateur du réseau Cameroun avant que je ne lui succède, nous avions fait une mission de tuilage au Cameroun, consacrée en bonne partie à la rencontre de ses personnes ressources.
Portailcoop : Peux-tu enfin nous parler de l’exposition photo sur le campement Pygmée Baka que tu proposes de rendre itinérante et de présenter dans les lycées agricoles intéressés ?
Regis Dupuy : C’est un projet qui me tient à cœur ! Cette expo est composée de 45 à 50 cadres en formats différents, de 13×18 à 70×100, une partie en couleur, une autre en noir et blanc. On peut se demander pourquoi une telle diversité de formats, tout simplement parce qu’elle répond aux objectifs des « images ». Certaines ont besoin d’intimité et ne se donnent à voir qu’en s’approchant tout près, ce qui nous oblige à aller à leur rencontre, à se mettre à leur hauteur ; d’autres, au contraire, en imposent par leur taille et la force du message qu’elles délivrent, et, en couvrant le bruit de leurs voisines. Ce sont elles qui mobilisent notre premier regard et qui, généralement, l’impriment.
Pourquoi de la couleur et du noir et blanc ?
La réponse est essentiellement esthétique, certaines lumières subliment les verts et les bruns, mais aussi les détails des expressions, si bien qu’il serait dommage de ne pas les laisser parler dans ces moments propices. En contrepartie, le choix du noir et blanc a lui aussi un avantage, celui de simplifier les messages et, en quelque sorte, de les sanctuariser… mais, par réaction, assez souvent, cela nous conduit à avoir envie de découvrir la complexité qui se cache derrière la simplicité.
J’aurais du commencer par là, les photos sont majoritairement des scènes de vie, elles sont donc consacrées aux acteurs eux-mêmes, les Pygmées Baka dans leur vie quotidienne. Il s’agit de « portraits » collectifs ou de «portraits» individuels. Portraits entre guillemets, parce qu’il ne s’agit pas de portraits formels comme on pourrait encore l’entendre, bien évidemment.
Reste à justifier le choix de sujet ! Deux raisons : d’abord parce que membre de l’association « 09 Cameroun », j’avais dans mes missions le suivi de l’activité de l’association et des partenaires locaux du campement Baka de Lakabo ; ensuite, parce qu’avec des apprenants et des collègues, nous avons mené beaucoup de projets destinés à ce campement, in situ.
Cela ne se voit pas, parce que nous avons toujours l’impression que la durée n’existe pas dans une expo photo, mais ici, la durée est bien présente, elle est précisément de 15 ans.
En termes pratiques, il faut un minimum de surface d’exposition pour accrocher les cadres. En général les grilles mobiles d’expo sont la solution la plus simple. Je me déplace pour le transport et l’accrochage…et ensuite le décrochage. La durée optimale d’exposition est autour de 15 jours, voire 3 semaines. Je peux aussi intervenir en cours à la demande de collègues, bien entendu, qui souhaiteraient en savoir davantage sur la vie des Pygmées Baka au Sud-Cameroun.
La construction d’un centre d’accueil à Yaoundé par le programme KEKA-Wongan : Centre destiné à l’accueil de stagiaires, spécialement ceux-de notre enseignement agricole.
Le documentaire « Lakabo, Campement Baka » – Février 2016,
14 minutes très sympa, vu et monté par Cyril Sentenac, élève au LEGTA de Pamiers et membre actif du Club UNESCO des Pyrénées.
Contacts :
Régis DUPUY, regis.dupuy@educagri.fr
Rachid BENLAFQUIH, Chargé de mission Afrique / Éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale / Expertise internationale au BRECI-DGER, rachid.benlafquih@agriculture.gouv.fr
Cuniculteur près d’Abidjan après un service civique au lycée agricole de Vire
Jean-Pierre Ouattara, ancien service civique au lycée agricole de Vire, revient sur son expérience en France et ses projets professionnels actuels en Côte d’Ivoire.
Ma mission de service civique au LPA de Vire
Alors étudiant à l’INFPA, plus précisément à l’École de Spécialisation en Élevage de Bingerville, j’ai effectué de novembre 2018 à juin 2019 une mission de service civique au LPA de Vire, en binôme avec mon collègue Thierry Koffi. Cette mission, intitulée « Tisser des liens entre l’exploitation agricole et ses utilisateurs », comportait divers aspects :
– Participer à la vie quotidienne de l’exploitation et de l’EPL pour bien comprendre la stratégie et son fonctionnement.
– Participer activement à la réflexion sur le projet de méthanisation (organisation des visites et rencontres de formation, d’échanges, en s’appuyant sur les autres collègues du groupe dont fait partie l’exploitation du lycée agricole).
– Participer à la communication de ce projet auprès des différents usagers de l’exploitation : formateurs, enseignants, apprenants, agriculteurs, collectivités, consommateurs, partenaires du monde agricole, médias… tout en développant des outils de communication (plaquettes, réunions publiques, suivis des travaux, réseaux sociaux).
– Participer à des actions d’Éducation à Citoyenneté et à la Solidarité Internationale (ECSI).
– Intervenir auprès et avec des élèves pour présenter mon pays sous les angles culturels, sociaux, historiques, économiques, agricoles.
Pour en savoir plus sur le déroulement de ma mission de service civique, vous pouvez visionner mon témoignage, enregistré lors des Rencontres du Réseau Afrique de l’Ouest au LEGTA Le Chesnoy en janvier 2019 :
Ce que m’a apporté cette mission de service civique
Cette mission de service civique m’a permis d’un point de vue personnel de vaincre ma timidité et aussi de découvrir tout le potentiel relationnel qui était enfoui en moi. Quant au plan professionnel, j’ai pu développer des aptitudes telles que l’abnégation au travail, le sens de la responsabilité, le travail en équipe, tisser et entretenir des liens entre professionnels, le tout avec une plus grande ouverture sur le monde.
La création de mon activité cunicole en Côte d’Ivoire
Après ma mission de service civique j’ai décidé de retourner au pays afin de finaliser mon BTSA à l’INFPA et de pouvoir mettre en pratique les compétences acquises en France.
C’est ainsi qu’à travers une aide de l’OFII j’ai pu mettre en œuvre un projet d’élevage cunicole dans la périphérie d’Abidjan. J’ai bénéficié d’une subvention de 5000€ répartis en deux phases (70% d’abord puis 30 % pour la deuxième phase de la subvention totale).
Le projet dans son ensemble est composé de 55 lapins reproducteurs répartis en deux groupes :
30 reproducteurs pour la phase 1 et 25 reproducteurs pour la phase 2. Il faut noter que la phase 1 est terminée et je suis en attente pour l’exécution de la phase 2 qui consistera à augmenter ma capacité de production afin de mieux rentabiliser l’investissement. Un volet publicité/communication est également prévu dans cette deuxième phase.
Mon activité propose des lapins de consommation (vifs ou en carcasses) et des lapins pour la reproduction. Les clients sont des particuliers, des restaurants et réceptifs hôteliers, généralement c’est sur commande et nous assurons la livraison.
Mon projet à court terme consistera à donner une bonne assise à l’activité que je mène actuellement.
Heureux de partager cette riche expérience avec vous !
Contacts et informations :
vanessa.forsans@educagri.fr
Rachid BENLAFQUIH, Chargé de mission Afrique / Éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale / Expertise internationale au BRECI-DGER, rachid.benlafquih@agriculture.gouv.fr