Séminaire dans le KwaZulu-Natal

La coopération franco sud-africaine entre le F’SAGRI, les colleges agricoles de Cedara, d’Owen Sithole et l’université d’Unizulu a fait naître un projet de réflexion, concrétisé par un séminaire sur les questions d’éducation comme solution aux défis des agriculteurs.

En 2015 naît en Afrique du Sud le F’SAGRI, un programme de coopération de l’institut agronomique Franco-Sud-Africain dont l’objectif est d’« Améliorer les compétences professionnelles pour réussir les projets entrepreneuriaux des jeunes Sud-Africain·es diplômé·es de la formation agricole supérieure et technique ». Piloté par Séverine Jaloustre du MASA et Norman Maiwashe de l’ARC (Agricultural Research Council), le F’SAGRI bénéficie d’un comité stratégique bilatéral composé côté français de Rachid Benlafquih et Philippe Renard du BRECI, côté sud-africain de François Davel et Kgomotso Seikaneng du DSI (Department of Sciences and Innovation) du Ministère de la Recherche.

En septembre 2021, les lycées professionnels polyvalents (TVET) et les colleges agricoles (identiques à nos lycées agricoles) rejoignent le programme destiné initialement à renforcer les compétences des étudiant·es comme des enseignant·es des universités de Fort Hare, de Venda et du Limpopo. En 2022, l’université Unizulu adhère également au dispositif.

En mars 2023, au regard des similarités avec l’enseignement agricole technique français, William Gex et Didier Ramay, animateurs du réseau géographique Afrique australe – Océan Indien-AAOI de l’enseignement agricole français, effectuent une mission exploratoire dans les provinces du KwaZulu-Natal et de l’Eastern Cape.

Le projet se recentre sur l’université d’Unizulu qui, en concertation avec les colleges agricoles de Cedara, d’Owen Sithole (OSCA) et la région du KwaZulu-Natal valident l’organisation d’un séminaire fin 2023. Quatre expert·es du CEFAGRI (2 enseignant·es d’économie, un directeur d’établissement et une déléguée régionale à l’ingénierie de formation) sont alors recruté·es pour animer un séminaire au KwaZulu-Natal début décembre 2023. Leur mission débute fin novembre par 3 jours de visites de fermes locales et de rencontres dans les deux colleges partenaires.

Le séminaire « A travers l’éducation, comment relever les défis quotidiens des agriculteurs émergeants »

Le 30 novembre 2023 au matin, plus d’une quarantaine de participant·es se retrouvent au cœur des champs de canne à sucre d’Empangeni pour échanger et partager autour de l’enseignement agricole et de ses enjeux locaux dans le cadre de la réforme foncière. Après les présentations protocolaires du séminaire, les systèmes d’enseignement agricoles français et sud-africains sont détaillés. La 2e partie de la matinée est consacrée à l’étude des référentiels de formation et leur processus de construction.

L’après-midi, quatre groupes travaillent à l’identification des compétences de quatre métiers agricoles : gérant·e, ouvrier·e agricole, technicien·ne conseil et gérant·es d’un atelier agro-alimentaire. Sur le modèle du world café, les différents groupes s’enrichissent des propositions amendées par les un·es et les autres. Lors de la restitution, les riches débats autour des notions d’installation, de transition et de changement climatique mettent clairement en évidence nos problématiques communes.

Le 2e jour débute autour de l’ancrage des établissements sur leurs territoires puis les colleges présentent leurs filières et le contenu de leur diploma, titre de niveau 6 équivalent au BTSA français mais avec un volume horaire d’économie bien moins conséquent que le BTSA ACSE de l’enseignement agricole. Comme la veille, les protagonistes sont à nouveau sollicité·es en groupes sur le thème : « quels types de formations pour quels types de public ? ».

A l’issue des 2 journées, plusieurs collaborations s’envisagent. A court-terme ; des échanges en visioconférence autour de pratiques professionnelles communes dans la gestion d’une entreprise agricole ; à long terme des études de cas, un module commun d’enseignement de l’économie voire un projet pilote « s’installer en agriculture dans le KwaZulu-Natal ».

4 jours plus tard, le séminaire est mis en avant dans la capitale en marge du Sciences forum & Innovation de Pretoria. A l’issue d’une analyse du système agricole sud-africain, des présentations du F’SAGRI et de l’enseignement agricole français, les intervenant·es se rejoignent sur les difficultés d’accès aux ressources des petits agriculteurs locaux. La table ronde permet de confronter les points saillants de l’atelier de travail organisé la semaine précédente à Empageni avec les enjeux actuels des agriculteurs émergents et ainsi d’envisager ensemble les leviers d’un avenir durable.

Regards d’experts

Les quatre experts et expertes de l’enseignement agricole français apportent leur regard personnel sur le workshop. Ils témoignent des enjeux, des situations évoquées comme des travaux réalisés pendant les deux jours avec leurs collègues Sud-Africain·es.

Szprenkel Johanne, DRIF – DRAAF Occitanie à Toulouse en Haute-Garonne (31) : la mission a été riche d’enseignements tant de notre côté que de celui de nos collègues Sud-Africains, je pense. Nous avons pu croiser les regards et envisager des pistes d’actions sur des sujets de préoccupation communs : le lien formation-entreprenariat agricole et l’accompagnement à la création d’entreprise agricole. Les participants au séminaire se sont véritablement engagés dans les exercices d’analyse des emplois dans le contexte socio-économique spécifique de l’Afrique du Sud. Cela nous a permis d’identifier ensemble les freins mais surtout les leviers possibles pour faire bouger les lignes dans le cadre de la formation. Reste à poursuivre notre partenariat à travers l’échange de pratiques pédagogiques et peut-être le développement de modules de formation communs pour “transformer l’essai ».

Lamy Stéphanie, enseignante d’économie à l’EPL d’Albi dans le Tarn (81) : cette mission a été l’occasion de rencontrer des acteurs du monde de la formation agricole en Afrique du sud et de mieux comprendre les enjeux et les problématiques de leur pays. Les échanges ont été nourris des expériences de chacun et nous avons pu partager nos méthodes de travail et nos réflexions pour un enseignement agricole performant et adapté aux enjeux du monde agricole de demain. La poursuite de cette mission d’expertise sera, sans nul doute, l’occasion d’approfondir ce partage et de travailler ensemble sur la conception de cursus de formation pertinents et efficients. Ce sera aussi l’occasion de développer des outils pédagogiques communs permettant à chacun de faire progresser ses pratiques et d’ouvrir nos établissements vers d’autres horizons.

Leonardi François, Directeur de l’EPL de Tarbes dans les Hautes-Pyrénées (65) : cette mission en Afrique du Sud était une occasion de découvrir le KwaZulu-Natal et son système de formation agricole. La visite des établissements a permis de constater des similitudes dans l’organisation et les objectifs de formation. L’articulation des contenus en rapport avec les métiers visés semble moins présente et systématique que dans l’écriture de nos référentiels. Un atelier avec les collègues enseignants et directeurs a mis en évidence la possibilité de travailler ensemble sur ces sujets. Nous avons également compris que les établissements de formation agricole sud-africains sont aussi sollicités par d’autres partenaires étrangers même si ces visites se traduisent rarement par de la coopération éducative. Les établissements restent donc en attente d’actions concrètes aussi bien au niveau des étudiants que des enseignants. L’absence de rencontre avec l’autorité de tutelle, le ministère de l’agriculture sud-africain, ne permet pas à ce stade de conclure sur les pistes de coopération esquissées.

Jean Marc Pécassou , enseignant Sciences économiques, sociales et gestion en BTSA ACSE, LEGTA de Pau-Montardon (64), agriculteur : ayant servi en coopération en Afrique de l’Ouest et désireux de m’impliquer en coopération internationale, c’est avec plaisir que j’ai candidaté pour cette mission, et autant de plaisir que j’ai eu à y participer. Les visites, les attentes et l’empan de la mission appelaient à un travail humble tout en restant ambitieux ; chaque rencontre, chaque animation de groupe ont fait remonter cette recherche universelle pour la production de denrées agricoles tout en rentabilisant l’outil permettant de produire. Nous nous sommes efforcés d’apporter des réponses via l’enseignement.

Contacts :

William GEX, co-animateur du réseau Afrique Australe, Océan Indien et Nigéria de la DGER, wiliam.gex@educagri.fr, Didier RAMAY co animateur du réseau géographique Afrique Australe Océan Indien de la DGER, Vanessa FORSANS, animatrice du réseau CEFAGRI de la DGER, vanessa.forsans@educagri.fr

Rachid BENLAFQUIH, chargé de coopération Afrique subsaharienne/ECSI/expertise à l’international au BRECI/DGER, rachid.benlafquih@agriculture.gouv.fr

Séverine JALOUSTRE, responsable du programme F’SAGRI, severine.jaloustre@ul.ac.za




L’expertise française mobilisée en Algérie

Finaliser le référentiel de certificat de formation d’excellence des conseillers spécialisés en production laitière à Sétif (Algérie), tel a été le principal objectif de la mission d’expertise réalisée par Hervé Jacob, ingénieur agronome consultant et Stéphanie Deltheil, enseignante en zootechnie au lycée agricole d’Auch.

Ce projet s’inscrit dans le cadre d’une collaboration de longue date entre la Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche du Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire français et la Direction de la Formation Agricole, de la Recherche et de l’Innovation (DFARI) du ministère de l’agriculture et du développement rural algérien. Le partenariat DGER/DFARI repose sur une coopération débutée en 2003, avec des formations dispensées par la DGER auprès de formateurs des établissements sous la tutelle de la DFARI, mais aussi des échanges entre établissements algériens et français dans l’objectif de jumelages. Depuis 2015, la réalisation d’un programme PROFAS C+ a permis dans une première phase de travailler conjointement à la rénovation des statuts des établissements d’enseignement agricole algériens, à la mise à jour du statut des cadres des directions de ces établissements, à la mise en place d’une cellule nationale d’ingénierie de formation au sein de la DFARI (ayant développé un « pôle lait »). Dans une deuxième phase, les partenaires ont décidé de créer à Sétif un centre de formation d’excellence dans le secteur de la production laitière et ont élaboré un référentiel métier de conseiller agricole en production laitière. La mise en place d’une formation dans ce domaine au sein de l’Institut technologique spécialisé de formation agricole (ITSFA) de Sétif permettra de répondre directement aux besoins de cette filière prioritaire pour l’Algérie. La gouvernance du projet associera d’ailleurs les principales entreprises du secteur.

Le projet consiste à accompagner l’ITSFA de Sétif pour qu’il puisse former des « techniciens de haut niveau » (spécialisation complémentaire d’agronomes ou de vétérinaires) en production laitière, capables de répondre aux besoins exprimés par les responsables professionnels du secteur, tout en intégrant les dimensions du développement durable. Le projet repose sur un diagnostic partagé des besoins en formation. Suite à une série d’appuis, l’ITSFA, avec la contribution de quelques professionnels, a élaboré un référentiel professionnel, une ébauche de référentiel de certification et un référentiel de formation de conseiller spécialisé en production laitière comprenant un document d’accompagnement à sa mise en œuvre. Ce document d’une vingtaine de pages a été analysé par deux experts français, en février 2022.

Hervé Jacob, vous participez à ce projet depuis son commencement, quelle a été la spécificité de cette dernière mission d’expertise ?

C’est un projet auquel je participe effectivement depuis son démarrage fin 2018 avec plusieurs missions à Sétif en 2019, un suivi à distance en 2020 pour cause de COVID et une interruption de plusieurs mois dans un contexte franco-algérien une nouvelle fois « complexe » …
Reprendre ce projet est très motivant car il a, d’emblée, bénéficié d’un vrai soutien des opérateurs de la filière laitière de la région de Sétif (coopératives ou privés) et beaucoup de travail avait déjà été fait.
Avec mon nouveau binôme, Stéphanie, avec laquelle je crois pouvoir dire que l’entente a été très bonne, nous sommes rentrés dans le vif du sujet, à savoir le contenu de la formation de conseiller spécialisé en production laitière, son organisation temporelle, les modalités pédagogiques, etc…
Le groupe de travail côté algérien était très impliqué et nous avons, je crois, beaucoup progressé sur les 4 jours de cette première mission.
Au-delà de la satisfaction d’une mission utile, nous avons pu reprendre ou nouer avec certains membres de l’équipe une vraie relation, ce qui ne va pas toujours de soi, et ces moments-là, à mes yeux, sont très précieux !

Stéphanie Deltheil, qu’est-ce qui vous a amenée à répondre à l’appel à manifestation d’intérêt lancé par le réseau CEFAGRI pour cette mission ?

Enseignante depuis 2013, je souhaitais diversifier et enrichir l’aspect pédagogique de ma fonction. M’investir dans un projet de coopération internationale me permettait aussi de répondre à l’une des 5 missions de l’enseignement agricole.
Ma formation et mon expérience en production laitière, mon intérêt pour l’élevage à l’international, ainsi que mon statut d’enseignante m’ont permis de me positionner sur cet Appel à Manifestation d’Intérêt pour la mise en place d’un centre d’excellence en production laitière à l’ITSFA de Sétif en Algérie.

Comment avez-vous préparé cette mission ?

Nous avons participé avec Hervé à 2 entretiens en visioconférence avec la partie algérienne qui ont principalement permis d’organiser les présentations puisque j‘arrivais en remplacement de Dominique Baudry, coordinateur jusqu’en 2022 pour la DGER du programme PROFAS C+ dans lequel s’inscrit ce projet.
Hervé Jacob et Anne-Laure Roy, chargée de coopération avec le Maghreb au BRECI/DGER en charge de ce dossier, m’ont également fourni un corpus documentaire nécessaire à la compréhension du travail effectué en amont, et au contexte agricole et laitier algérien.
Nous avons ensuite travaillé ensemble à distance avec Hervé pour planifier les journées et les ateliers que nous souhaitions conduire au cours de la mission à venir.

Et sur place, en Algérie, comment s’est déroulée l’expertise ?

Nous avons alterné les périodes de travail en salle et les périodes sur le terrain.
Après un temps d’accueil, la première demi-journée de travail en salle nous a permis de revenir sur les missions précédentes, d’exposer les attentes de chacun, et de planifier les ateliers de la semaine.

Nous avons ensuite bénéficié d’une visite des nouvelles installations de l’ITSFA, qui devrait servir de support aux apprenants de la formation d’excellence.

Nos partenaires algériens nous ont ensuite réservé une journée entière de terrain : visites d’exploitations (familiales et jeunes investisseurs) et de la laiterie EL ANFAL, partie prenante dans ce projet.
Ces moments d’échanges nous ont permis d’appréhender le contexte local de la production laitière, de poursuivre la visite d’installations potentiellement supports pratiques pour les futurs apprenants, ainsi que de nous projeter sur les cas types qui pourront être rencontrés par les apprenants dans les élevages.
Nous avons également pu prendre conscience de l’hétérogénéité des exploitations visitées quant au niveau de formation des éleveurs, à la taille des exploitations, au faible niveau d’autonomie alimentaire, … et des difficultés que pourront rencontrer les futurs stagiaires dans l’exercice de leur métier de conseiller spécialisé en production laitière pour améliorer les pratiques.

   

Les journées suivantes ont été consacrées à des travaux de groupe en salle en vue de peaufiner le référentiel de formation et sa mise en application pratique.

Pouvez-vous nous présenter le livrable que vous avez dû élaborer ?

Dominique Baudry et Hervé Jacob avaient travaillé sur le référentiel de formation. L’objectif de cette nouvelle mission était d’approfondir le référentiel de formation, d’ajuster et d’enrichir le document afin d’en tirer le déroulé précis de la formation et de fixer les modalités pédagogiques et d’évaluation, enfin de répartir les tâches et responsabilités entre les enseignants, les intervenants professionnels, les administratifs et réfléchir ensemble à la logistique. A ce stade de la mission, nous avons donc principalement travaillé sur les modalités pratiques de la mise en place de la formation.

Que retenez-vous particulièrement de cette expérience ? Que vous a-t-elle apporté personnellement et/ou professionnellement ?

Comme évoqué par Hervé, les rencontres humaines ont été au cœur de cette première mission.
En premier lieu, celle avec mon binôme de travail, passionné et connaisseur de ce beau pays via les expériences antérieures personnelles et professionnelles qu’il y a vécues ; il m’a permis d’y faire mes premiers pas en toute confiance, et je l’en remercie. Il a été un guide précieux pour me permettre de prendre progressivement ma place dans cette mission.
Pour ma première visite en Algérie, je suis sincèrement enchantée de cette découverte et des nombreuses rencontres. Je souhaite d’ailleurs remercier sincèrement chacun des membres de la partie algérienne, tous ayant à cœur de mener à bien ce projet et nous ayant réservé un accueil chaleureux.
Cet accueil qui nous a été réservé, et le travail fourni par l’équipe algérienne depuis la mission précédente nous ont permis de nous mettre au travail rapidement et de travailler conjointement et efficacement.
Professionnellement, je souhaite réinvestir cette expérience dans mon enseignement, tant en terme de contenu que de gestion de groupe.
Auprès des élèves, cela me permettra d’approfondir avec eux les connaissances sur l’agriculture et l’élevage à l’international, l’importance des relations entre pays, l’intérêt qu il y a à faire preuve de curiosité envers « l’autre » en général et bien sûr transmettre également un message global d’ouverture.
Sur le plan de la gestion de groupe, cela m’a appris à travailler en équipe avec un certain nombre de contraintes fortes : immersion rapide avec reprise d’un projet déjà engagé, hétérogénéité des profils des intervenants et mixité des cultures, connaissance limitée du contexte, durée de mission courte, journées intenses et un objectif à très court terme de l’ouverture de la formation.

Quelles sont les suites envisagées ?

Une deuxième mission se prépare. Les objectifs sont à nouveau multiples et seront de terminer l’analyse en profondeur des 3 documents constitutifs du référentiel de certificat (référentiels professionnel + de certification + de formation) et de co-animer avec l’ITSFA de Sétif un atelier de présentation de la formation à une vingtaine d’acteurs de la filière (éleveurs traditionnels et modernes, GIPlait, Coopératives laitières, représentants de l’interprofession, universitaires du pôle agricole intégré de Sétif…). Les participants à l’atelier sont de potentiels intervenants dans la formation, de futurs recruteurs ou encadreurs de stage des conseillers. Enfin l’important sera d’ajuster le contenu du référentiel de certificat en fonction des retours de l’atelier.

Un challenge à relever afin que l’ouverture de cette formation d’excellence puisse avoir lieu en 2024 !

Crédit photographique de la photo de tête d’article : Le 360 Afrique

Propos recueillis par Vanessa Forsans, animatrice du réseau CEFAGRI, vanessa.forsans@educagri.fr

Contacts : Stéphanie Deltheil, enseignante en zootechnie, experte en productions laitières, stephanie.deltheil@educagri.fr, Hervé Jacob, ingénieur agronome consultant, hervejacob.agro@laposte.net

Gilles Tatin, chef du projet, référent Algérie et coopération internationale en DRAAF-SRFD Centre Val-de-Loire, Délégué Régional Ingénierie de Formation (DRIF), Animateur national du réseau DRIF (DGER), gilles.tatin@agriculture.gouv.fr

Anne-Laure Roy, chargée de coopération Maghreb au BRECI/DGER, anne-laure.roy@agriculture.gouv.fr, Rachid Benlafquih, chargé de mission expertise à l’international au BRECI/DGER, rachid.benlafquih@agriculture.gouv.fr




Une délégation franco-ouest africaine au SARA

L’enseignement agricole développe ses partenariats avec la Côte d’Ivoire à l’occasion du plus important salon de l’agriculture d’Afrique de l’Ouest, le SARA (Salon de l’agriculture et des ressources animales), qui s’est tenu au parc des expositions d’Abidjan du 29 septembre au 8 octobre 2023.

Accompagnée par les deux animateurs du réseau Afrique de l’Ouest et le chargé de coopération Afrique subsaharienne de l’enseignement agricole pour la Direction générale de l’enseignement et de la recherche (BRECI) du Ministère de l’agriculture et de la Souveraineté alimentaire, la délégation a associé des personnels de l’enseignement agricole français (la directrice et un membre de l’équipe de l’exploitation agricole de l’EPL de La Roche-sur-Yon, une enseignante de l’EPL du Morvan, le directeur du CFAA de La Bretonnière) mais aussi de partenaires africains, venant du Bénin et du Sénégal, spécialistes de l’agroécologie : Pascal Gbenou, directeur de la ferme-école SAIN et enseignant chercheur à l’Université Nationale d’Agriculture au Bénin, et Sidy Tounkara, chercheur à l’IPAR (Initiative et Prospective Agricole et Rurale), membre de la fondation FARM et point focal de la Dytaes (Dynamique pour une transition agroécologique au Sénégal).

Panels et conférences

La délégation a assisté à plusieurs conférences donnant à entendre les préoccupations majeures de l’agriculture ouest-africaine, telle que la conférence inaugurale du Salon intitulée « L’agriculture africaine face aux défis des chocs internes et externes : quelles innovations structurelles pour améliorer les secteurs agricoles et garantir la souveraineté alimentaire ? » puis la table ronde sur le thème « Jeunesse et agriculture africaine résiliente » à laquelle a participé Alain Moulinier, du CGAAER, qui a représenté le ministre du MASA et a abordé les enjeux environnementaux, sociétaux et démographiques, mentionnant notamment les ambitions du PLOA (Pacte et loi d’orientation et d’avenir agricoles)  : améliorer la souveraineté, augmenter la résilience, accompagner les transitions, favoriser l’installation et le renouvellement des actifs. Il a été souligné que le changement climatique oblige à des transformations de nos systèmes de productions et donc des pratiques, appelle à des compétences nouvelles ou renforcées comme en matière de gestion de l’eau, de protection des sols ou de numérique. Cela passe en particulier par un investissement dans la transformation de l’enseignement agricole. Ces thématiques ont trouvé un écho lors du side-event de la CEDEAO sur « L’agriculture intelligente face au climat (AIC) et l’agroécologie : opportunités et défis pour l’Afrique de l’Ouest », de même que dans la présentation organisée par FranceAgriMer de l’expertise française en aviculture, au cours de laquelle le réseau CEFAGRI a eu l’occasion d’évoquer son fonctionnement et son rôle en matière de mobilisation de l’expertise de l’enseignement agricole.

Le réseau Afrique de l’Ouest de l’enseignement agricole a également proposé un panel de regards croisés ouest-africains et français sur le thème « Formation agricole, agroécologie et coopération », en partenariat avec le METFPA (Ministère de l’enseignement technique, de la formation professionnelle et de l’apprentissage), l’INFPA (Institut national de formation professionnelle agricole) représenté par son directeur général Marc-Olivier Togbe, et l’ambassade de France en Côte d’Ivoire, avec Jean-Pierre Chomienne, Conseiller aux affaires agricoles, et Marie-Laure Martial, du Service de coopération et d’action culturelle. En ouverture des échanges, a été visionné le film « Agri-cultures / la coopération – la Côte d’Ivoire ». En présence d’une centaine de personnes (inspecteurs, directeurs, formateurs, apprenants des établissements ivoiriens, étudiants ouest-africains), les membres de la délégation ont illustré la thématique du panel par des exemples concrets issus de leurs organismes respectifs (activités liées au plan EPA2 pour les EPL français, de la ferme SAIN au Bénin, d’IPAR au Sénégal). Cet événement a permis de renforcer le rapprochement entre l’INFPA et le METFPA et ainsi favoriser les synergies entre institutions ivoiriennes en charge de la formation agricole. Il a également permis de mettre la lumière sur la mission de coopération internationale de l’enseignement agricole français et de montrer comment celui-ci est en mesure d’être un partenaire pour contribuer au renforcement des capacités de systèmes de formation agricole et rurale comme levier central du développement agricole.

Rencontres professionnelles et institutionnelles

La délégation a été reçue par le ministre d’État en charge de l’agriculture, M. Adjoumani, qui est en outre passé saluer les participants au panel « Formation agricole, agroécologie et coopération ». Une réunion de travail a aussi pu se tenir avec M. N’Guessan Koffi, ministre de l’enseignement technique, de la formation professionnelle et de l’apprentissage, ouvrant des perspectives de coopération avec de nouveaux établissements proposant des formations agricoles en Côte d’Ivoire, dont le lycée professionnel sectoriel de formation aux métiers agricoles de Botro.

Sur le pavillon France, une réunion avec des représentants de la région AURA (Chambre d’agriculture, AFDI, Fédération nationale des communes pastorales) a permis d’aller dans le sens d’une bonne implication de l’enseignement agricole dans leurs initiatives avec la Côte d’Ivoire. La rencontre avec la responsable de l’entreprise Prestige chocolat a permis d’envisager la vente de son champagne au chocolat dans les boutiques des EPL en partenariat avec la Côte d’Ivoire.
En parallèle des visites et rencontres au SARA, les membres de la délégation ont poursuivi les échanges avec leurs partenaires de l’INFPA en se rendant dans les établissements de Bingerville (CAPP, ESEMV, ERA-Sud) et de Tiébissou. Aquaculture, élevages, aménagement paysager, maraîchage (dont une expérimentation croisée sur le semis de pommes de terre) constituent les principaux domaines sur lesquels portent les projets de partenariat, se concrétisant notamment par des mobilités réciproques.

Le rôle des animateurs du réseau

Outre l’organisation logistique de la mission collective, il revient aux animateurs du réseau de faciliter les contacts entre établissements français et ivoiriens en l’occurrence. C’est ce qui a notamment été effectué en amont de cette mission en Côte d’Ivoire, lors du Salon international de l’agriculture à Paris en mars dernier, sur le stand de l’INFPA. Un temps d’échange avec des enseignants de l’EPL du Loiret a permis à un groupe d’étudiants de BTSA ACSE du lycée agricole Le Chesnoy d’être accueilli par l’INFPA à Bingerville pour un voyage d’étude, se poursuivant auprès des cacaoculteurs de San Pedro dans le cadre d’un projet porté par l’AFDI. Et la mise en relation de l’équipe de direction de l’EPL du Morvan avec celle de l’INFPA a été suivie de la possibilité de participer à cette mission en Côte d’Ivoire et de lancer concrètement le partenariat par l’accueil dans le Morvan de deux volontaires ivoiriens en service civique.
Jean-Roland Arbus nous fait part de son expérience : « En tant qu’animateur du réseau Afrique de l’Ouest, cette mission m’a permis d’accompagner, faciliter et finaliser un partenariat naissant entre l’EPL du Morvan spécialisé en aquaculture, représenté par Nathalie Guenard, enseignante, et l’un des 11 établissements de l’INFPA, l’école spécialisée en aquaculture de Tiébissou, à 300km au Nord-Est d’Abidjan, représentée par son directeur Zoué Lassina. Durant deux jours, nous avons pris du temps pour mieux nous connaître et nous comprendre pour démarrer ce partenariat sur de bonnes bases. Nous avons découvert l’ensemble de l’établissement : locaux d’enseignement, internats, logement possible d’étudiants français en mobilités individuelles ou collectives, équipe de direction, bassins d’élevages des poissons. Nous avons aussi pu rencontrer les deux jeunes services civiques ivoiriens, Ézéchiel et Emmanuel, en partance pour l’EPL du Morvan, évoquer leur préparation au départ pour les mettre en confiance. Une charte de partenariat a été finalisée et signée par les deux représentants, avec notamment la réalisation d’un programme de mobilités entrantes et sortantes planifiées sur trois ans, avec les difficultés probables à surmonter.
Ce lancement de partenariat résume bien le type de travail d’un animateur de réseau : mettre en bonne voie le rapprochement de deux établissements et les accompagner en chemin par la suite. »

Des liens consolidés avec France Volontaires

L’une des modalités majeures de coopération avec la Côte d’Ivoire depuis 2018 est l’accueil d’étudiants sortant de l’INFPA pour des missions de service civique en lycées agricoles français, et ce toujours en lien avec France Volontaires. Une nouvelle rencontre avec les représentants de France Volontaires en Côte d’Ivoire a d’ailleurs permis de valider une procédure conjointe de sélection, accueil et suivi de jeunes ivoiriens issus de l’INFPA pour des missions de service civique en lycées agricoles français. À cette occasion a été présenté le film « Agri-cultures / le service civique – la Côte d’Ivoire ».

La mission vue par une directrice d’établissement

Patricia Darjo, directrice de l’EPLEFPA Nature de La Roche-sur-Yon, témoigne : « Accompagnée de Michèle Raitière, responsable de l’atelier maraîchage du lycée Nature, cette nouvelle mission de coopération internationale à Abidjan nous a permis de répondre à plusieurs objectifs.
Durant plusieurs jours la délégation française a participé au SARA dans un lieu nouvellement construit. La thématique de ce salon de l’agriculture était tournée vers la jeunesse et l’agriculture africaine résiliente. J’ai pu rencontrer de nombreux interlocuteurs du monde agricole particulièrement en agroalimentaire et confronter ainsi nos points de vues sur des préoccupations communes. Nous avons participé à deux conférences en lien avec les transitions agroécologiques et la souveraineté alimentaire. Nous avons également pu témoigner de nos actions sur ces thématiques.

Cette mission a été l’occasion de renforcer notre coopération avec l’INFPA, ERA SUD, le CAPP et l’école d’élevage de Bingerville. Nous avons fait un bilan croisé des missions réalisées par Services civiques français et ivoiriens. Nous avons travaillé sur nos pratiques de recrutement, affiné nos attentes réciproques et trouvé un consensus pour améliorer nos conditions d’accueil de nos jeunes volontaires. Un travail très constructif que nous avons exposé auprès de France Volontaires. D’autre part, nous recevrons à la Roche-sur-Yon en avril 2024 une délégation de l’école d’agriculture de Bingerville constituée d’étudiants, de formateurs et des directeurs.

Une expérimentation sur l’implantation de la pomme de terre en terre africaine va démarrer sur nos établissements respectifs français et ivoiriens. Le protocole a été écrit lors d’une journée de travail à ERA Sud.
J’ai particulièrement apprécié les nombreux contacts avec les professionnels du monde agricole, avec nos partenaires des différentes écoles agricoles jusqu’à l’entrevue avec le ministre d’État de l’Agriculture. Ce fut des moments de dialogues professionnels, constructifs, sincères et amicaux, qui nous ont permis de confirmer nos préoccupations communes et l’intérêt de continuer à travailler ensemble. Je tiens à remercier tous nos partenaires ivoiriens et les membres de la délégation française bien en phase avec les objectifs de cette mission. »

Des pistes de partenariat renforcées

Sidy Tounkara, représentant d’IPAR Sénégal, nous livre ici les perspectives de partenariat qu’il envisage à la suite de cette mission franco-ouest africaine :

« Quelques axes de coopération entre IPAR Think Tank, les partenaires du Ministère français de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire (MASA), l’Université Nationale d’Agriculture (UNA) du Bénin et les structures de formation professionnelle agricole du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, du Bénin et de la France sont identifiés.

 Coopérer autour des projets de renforcement de capacités des acteurs déjà engagés dans la transition agroécologique et de formation initiale et/ou continue des jeunes apprenants dans le domaine agricole en mettant le focus sur la promotion de l’agroécologie. À ce niveau, il s’agit de renforcer les interactions, les échanges, les apprentissages mutuels entre les paysans disposant de savoirs locaux, endogènes et les jeunes apprenants souvent évalués par les mécanismes de l’école classique/académique.

Développer des projets de coopération avec des interlocuteurs comme les Collectivités territoriales qui engagent des initiatives de développement basées sur la promotion de la transition agroécologique afin de les accompagner dans une dynamique de passage à l’échelle des bonnes pratiques dont les données de capitalisation pourraient alimenter les opérations de renforcement des capacités des agriculteurs et des services d’appui-conseil à la territorialisation de la formation agricole et agroécologique.

Collaborer autour des projets d’échanges d’élèves et d’étudiants en formation agricole entre le Nord et le Sud pour favoriser le partage d’expériences et l’apprentissage mutuel entre des apprenants de cultures différentes. L’IPAR Think Tank est aussi une institution d’accueil pour les apprenants.
À ces 3 niveaux de coopération, IPAR Think Tank peut mettre à profit son expérience et son expertise pour contribuer à la formation agricole et en agroécologie des agriculteurs mais aussi des jeunes aspirants à devenir agriculteurs dans un contexte de relève agricole de plus en plus difficilement assurée. De par son expertise et son option stratégique d’agir sur les politiques publiques, IPAR Think Tank pourra également contribuer à appuyer les Collectivités territoriales désireuses de s’engager dans la transition agroécologique. »

Cette mission collective ouest-africaine s’est donc révélée fructueuse à bien des égards. Afin de continuer à donner vie à ces partenariats, les établissements déjà impliqués comme ceux, publics ou privés, qui seraient intéressés pour intégrer cette coopération peuvent compter sur l’appui du réseau Afrique de l’Ouest, pour accueillir des jeunes ivoiriens en service civique, mais aussi pour répondre à tout appel à projets permettant le financement d’actions s’inscrivant dans la durée.

Visionner film « Agri-cultures / la coopération – la Côte d’Ivoire » et le film « Agri-cultures / le service civique – la Côte d’Ivoire » sur Vimeo

Sidy Tounkara, représentant d’IPAR Sénégal, rend compte de sa participation dans un article Think-Thank au SARA

Contacts : Jean-Roland Arbus, co-animateur du réseau Afrique de l’Ouest, jean-roland.arbus@educagri.fr, Vanessa Forsans, co-animatrice du réseau Afrique de l’Ouest, animatrice du réseau CEFAGRI, vanessa.forsans@educagri.fr, Rachid Benlafquih, chargé de coopération Afrique subsaharienne/ECSI/expertise à l’international au BRECI/DGER, rachid.benlafquih@agriculture.gouv.fr




Le Bénin choisit l’expertise française

L’expertise de l’enseignement agricole français accompagne le passage de 10 à 30 lycées techniques agricoles au Bénin : des ateliers de co-construction d’analyses de situations de travail ont eu lieu à Cotonou entre le 17 et le 27 septembre 2023.

Le Bénin, via son Agence de Développement de l’Enseignement Technique (ADET) a entrepris une grande réforme institutionnelle de l’enseignement technique et professionnel, en particulier agricole, passant de 10 à 30 lycées techniques agricoles (LTA).
Sollicité par l’ADET dès 2021, l’enseignement agricole français (via la DGER/BRECI et ses réseaux Afrique de l’Ouest et CEFAGRI) a élaboré avec France Éducation International (FEI) une offre technique pour accompagner cette réforme. Les enjeux sont d’importance : il s’agit d’élaborer des programmes de formation, produire des ressources pédagogiques, identifier les équipements nécessaires aux formations, préparer l’implantation des filières ; soutenir, par la formation et l’insertion les jeunes dans la vie active, les politiques territoriales de développement économique et social ; mettre en place une professionnalisation des métiers de la formation ; favoriser l’implication active dans le territoire, des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement, et structurer une dynamique tournée vers l’innovation et l’expérimentation. 11 filières et 15 diplômes (Diplôme Technicien Métier et Diplôme Technicien Supérieur Métier, DTM et DTSM) sont concernés.
Cet appui est mis en œuvre dans le cadre d’une contribution plus globale en « équipe France » à la réforme de l’appareil de formation professionnelle du Bénin,  s’inscrivant dans le programme de coopération en matière de formation professionnelle entre la République du Bénin et la France signé à la suite du déplacement au Bénin du Président de la République française en juillet 2022. Avec un financement de la Banque mondiale d’un montant de 1,22 M€, ce projet a en ligne de mire l’accueil de 48 000 apprenants afin de les former très concrètement aux métiers de l’agriculture.

Ainsi, une première mission dans le cadre de ce projet a mené au Bénin entre le 17 et le 27 septembre 2023 un groupe d’experts de l’enseignement agricole français, accompagnés par le réseau CEFAGRI et France Education International. Une réunion de cadrage entre l’ADET, FEI et la DGER (BRECI) a permis le lancement officiel du projet. Puis les experts en aquaculture, en élevages de ruminants, de porcins, en productions horticoles, fruitières et forestières, en agroéquipements… ont animé des ateliers de co-construction d’analyses de situations de travail (AST) avec des professionnels béninois, tant de la production que de la formation agricoles (enseignants et directeurs de LTA, inspecteurs). À leurs côtés étaient présents des experts marocains recrutés par FEI ainsi que des spécialistes du coton et du palmier à huile ayant rejoint l’équipe d’experts par le truchement du réseau CEFAGRI.

Les experts de l’enseignement agricole français témoignent de cette expérience de co-construction d’analyses de situations de travail avec des collègues et partenaires béninois avec lesquels la coopération n’est pas nouvelle :

Jean-Roland Arbus, enseignant d’agronomie au LEGTA de Figeac et co-animateur du réseau Afrique de l’Ouest :
Suite à deux missions au Bénin, en 2019 et 2021, en tant que co-animateur du réseau Afrique de l’Ouest, j’ai trouvé logique de contribuer à la co-écriture des référentiels avec les Béninois. Être à l’écoute de leurs attentes pour les intégrer dans les référentiels, travailler en équipe d’experts sont des éléments de réussite. Enfin soulignons l’importance d’intégrer l’agroécologie, la durabilité et la gestion économique dans ces référentiels pour les futurs entrepreneurs béninois.

 

Patrick Desnos, enseignant d’agronomie au lycée horticole privé de Saint-Ilan (Côtes-d’Armor) :
La rencontre avec les professionnels, les enseignants et les inspecteurs béninois nous a permis de mieux appréhender les attentes de nos partenaires et de confronter nos visions « Nord-Sud » des métiers des différentes filières agricoles étudiées. Cette co-construction de l’analyse des situations de travail dans le domaine du maraîchage, de l’horticulture ornementale, de l’arboriculture fruitière et forestière m’a permis de mieux cerner ces différents métiers au Bénin. Les diplômes visés de technicien métier et de technicien supérieur métier ont pour but, entre autres, de favoriser la création d’entreprise permettant à des jeunes béninois de participer à la souveraineté alimentaire de leur pays et d’améliorer la chaîne de valeurs. Les échanges avec l’ensemble des participants ont été riches et constructifs : une co-construction à poursuivre pour écrire le référentiel de compétences dans le cadre de cette rénovation ambitieuse.

Catherine Lejolivet, enseignante d’aquaculture au LEGTA de La Canourgue (EPL de la Lozère) :
Bénin comme Bienveillance : c’est le sentiment fort ressenti pendant cette semaine de travaux collaboratifs avec les partenaires des filières professionnelles agricoles, l’inspection et les enseignants des lycées techniques. Ce fut une première en Afrique de l’Ouest, me concernant. La mission de co-construction de programmes de formation aquacole est d’importance pour ce pays désireux de former des techniciens et des techniciens supérieurs leur permettant de s’installer, de piloter ainsi leurs entreprises avec un maximum de clés et de contribuer à l’approvisionnement des marchés demandeurs de produits aquatiques d’eau douce ou saumâtre. D’où le challenge pour moi : comprendre le contexte aquacole, les attentes des partenaires afin de répondre au mieux dans un esprit clairement de convivialité partagée. Les échanges ont été riches, vivants et constructifs, hâte de poursuivre l’aventure franco-béninoise !

 

Arnaud Lefèvre, directeur de l’exploitation ostréicole de l’EPL de Bourcefranc :
Suite à des échanges réguliers avec différents partenaires béninois depuis plus de vingt ans, il m’a semblé intéressant de participer à l’évolution des curricula des formations techniques en aquaculture. Au sein de ce secteur très dynamique en Afrique de l’Ouest depuis quelques années, le Bénin réussit à tirer son épingle du jeu, grâce en particulier à la mise en place de l’organisation de la filière. Les échanges avec les professionnels, mais également avec les enseignants et les représentants de l’administration, permettent de contextualiser et de partager les différentes opinions sur ce secteur de production. L’enjeu premier est de proposer des programmes basés sur les pratiques, de façon à ce que les apprenants soient opérationnels dès la sortie des études. Au-delà, la demande inclut de considérer dans ces formations les évolutions et les innovations envisageables de la filière aquacole au Bénin.

Jean-Louis Devoyon, enseignant d’agroéquipement au LPA de Saint-Yrieix-la-Perche :

Sollicité par le BRECI/DGER et avec l’aide de Guillaume Gillet de l’ENSFEA, le lycée agricole de Saint-Yrieix-la-Perche est un établissement reconnu dans le domaine des agroéquipements avec une dimension internationale puisqu’il coopère avec des pays d’Afrique et en particulier le Bénin. C’est à ce titre que j’ai été mobilisé sur ce projet pour la co-construction selon l’approche par compétences (APC) des référentiels de formation en machinisme (DTM/DTSM). J’ai ainsi pu valoriser et partager mon expérience en mécanisation agricole afin de proposer des formations qui répondent aux mieux à la demande professionnelle actuelle et à venir pour une insertion réussie des futurs apprenants. En tant qu’expert, j’ai pu prendre la mesure des forts enjeux de ce projet ambitieux par rapport aux grandes potentialités de ce pays en développement et ce fut un honneur pour moi de pouvoir modestement y contribuer. De cette première expérience, je retiendrai la difficulté de proposer une offre de formation cohérente non seulement au regard de la structuration des branches sectorielles actuelles mais aussi tenant compte du secteur informel, non-formel le plus représentatif. Il est apparu ainsi important d’ouvrir cette formation à des métiers pas seulement tournés vers la maintenance agricole mais aussi vers l’utilisation, la conduite, le réglage des machines voire dans certains cas l’adaptation-conception simples d’outils. C’est précisément ce lien agronomique avec le vivant qui permettra à court terme un renforcement capacitaire de l’arrière paysage rural et de son développement économique par un ancrage de jeunes dans leur territoire. Dans cette perspective, la réduction de la pénibilité des travaux agricoles grâce au développement d’une mécanisation raisonnée doit en principe permettre une meilleure productivité des sols et attractivité du métier chez les jeunes agriculteurs, leur offrant ainsi des conditions de vie meilleures et  participant alors dans une certaine mesure à la déconstruction des imaginaires migratoires.

Xavier Baudouin, directeur de l’exploitation agricole de l’EPL de Vire :
Les missions d’expertise constituent un levier essentiel de la coopération internationale, ainsi qu’un outil de dialogue et de valorisation des savoirs faire. Notre mission sur le sol béninois fut une expérience véritablement enrichissante. La rencontre avec les acteurs locaux, qu’ils soient professionnels du secteur, enseignants ou inspecteurs, a grandement contribué à notre compréhension des attentes de nos homologues béninois.
De plus, elle a permis de confronter nos perspectives distinctes sur les métiers agricoles, en intégrant les visions tant « Nord » que « Sud ». Cette convergence d’idées s’est avérée être le socle essentiel à la poursuite de notre collaboration dans le cadre de la révision ambitieuse du référentiel de compétences. De nos discussions, est née une belle opportunité : celle de co-créer, co-construire, d’unir nos forces pour tracer le chemin d’une rénovation ambitieuse.
Ce premier pas ne représente qu’une étape préliminaire. Il incarne une promesse de synergies futures, où nos compétences et notre engagement mutuel se fondent dans la rédaction d’un référentiel. Notre récit, forgé par notre passion pour l’agriculture et notre désir de contribuer au progrès, se prolongera, établissant un lien solide et durable entre deux nations unies par leur quête d’excellence dans le domaine agricole.

À l’issue de cette première mission, toutes les analyses de situation de travail co-construites au cours des ateliers puis rédigées par les experts français et marocains sont relues par une DRIF (déléguée régionale à l’ingénierie de formation) de l’enseignement agricole afin d’en proposer à l’ADET une version finale tout à fait complète et harmonisée.

L’ensemble des experts français et marocains ainsi que leurs homologues béninois se retrouveront au Bénin en décembre 2023 pour la prochaine étape : l’élaboration conjointe des référentiels de compétences. Viendront ensuite, avant la fin de cette année scolaire, les missions de co-construction des référentiels de formation et d’évaluation. Ces missions seront bien évidemment accompagnées par les coordonnateurs du projet,  béninois (l’ADET) et français (le MENJS via FEI et le MASA via la DGER/BRECI et son réseau CEFAGRI) qui veilleront à assurer la bonne conduite de cette importante coopération multi-acteurs.

Contacts : Vanessa FORSANS, animatrice du réseau CEFAGRI, co-animatrice du réseau Afrique de l’Ouest
vanessa.forsans@educagri.fr, Rachid BENLAFQUIH, chargé de coopération Afrique subsaharienne / Éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale / Expertise internationale au BRECI/DGER, rachid.benlafquih@agriculture.gouv.fr