Vis la vie de professeur à Iwamizawa
Un professeur de l’Institut d’Anchin a eu la chance de vivre pendant quatre jours la vie lycéenne japonaise au sein de l’établissement professionnel agricole d’Iwamizawa, situé dans la préfecture de Hokkaido, au nord du Japon.
Dans le cadre de la coopération franco-japonaise gérée par le réseau Japon de l’enseignement agricole, l’enseignant français, Monsieur Aurélien FALSONE, a été accueilli avec bienveillance et
gentillesse au Lycée Agricole d’Iwamizawa à Hokkaido, du mardi 10 juin au vendredi 13 juin 2025.
Il y a vécu des expériences très enrichissantes et a pu assister à divers enseignements au cours de cette semaine d’échanges et d’observation.
Il est important de noter que cette expérience n’est pas forcément représentative de l’ensemble du système scolaire japonais, car il existe différents types d’établissements, tout comme en France. Ce lycée se démarque sur quelques points qui seront abordés.
Le lycée : spécificités et ambiance
Le lycée agricole dans lequel l’enseignant français s’est rendu est un établissement professionnel composé de sept sections : les sciences agricoles, le paysagisme, l’élevage de bétail, la foresterie, l’agroalimentaire, la floriculture et l’ingénierie civile. C’est une structure qui se veut moderne ; on n’y retire pas ses chaussures, chose particulièrement rare dans les établissements japonais. Le lycée est très grand : on y retrouve, en plus du bâtiment scolaire, des cultures de riz, de fruits et légumes variés, des serres et des hangars pour les animaux et pour entreposer les machines agricoles.
Si, en France, le fait de faire des groupes de niveau fait parfois polémique, au Japon, cette pratique est la norme. Il n’y a pas de groupes de niveau au sein des établissements, mais plutôt des lycées de niveau. Ainsi, selon les résultats des élèves à leur équivalent du brevet, ces derniers sont assignés (pour les établissements publics) au lycée du niveau qui leur correspond.
Concernant ce lycée, certains élèves y sont par choix, car ils connaissent déjà leur projet de vie et que l’établissement répond à leurs attentes, tandis que d’autres y sont parce qu’ils sont moins « scolaires ». Les cours théoriques (que j’oppose ici aux cours pratiques) y sont décrits comme plus « vivants » et les élèves comme plus « agités ». Il est vrai qu’on ne retrouve pas toujours l’image stéréotypée des élèves bien sages derrière leur table. Cela peut sembler être un cliché, mais les classes majoritairement féminines, comme celle de la section floriculture, sont plus calmes que les classes de sciences agricoles, composées quasi-exclusivement de garçons. Néanmoins, le niveau de bruit ne semble pas très différent de celui de la classe de terminale générale de Monsieur Falsone à l’Institut d’Anchin.
Au Japon, chaque classe a sa salle attitrée, et ce sont les professeurs qui se déplacent. Chaque enseignant dispose cependant d’un bureau dédié dans une salle du personnel. Le professeur est à la fois enseignant et membre de la vie scolaire. En effet, la vie scolaire telle que nous la connaissons n’existe pas au Japon. Les professeurs étant présents chaque jour de 8h20 à 16h45. Dans la pratique, il n’est pas rare qu’ils partent vers 18h ou 19h le soir, ils gèrent aussi bien leurs cours que l’aspect de la vie scolaire du lycée.
Le lycée possède également un internat, ou plutôt deux : un internat classique et un disciplinaire pour élèves difficiles. Comme indiqué, la notion d’élève difficile ne semble pas être tout à fait la même au Japon et en France. Les professeurs d’agriculture sont tenus de dormir à l’internat une fois par semaine, une sorte de nuit d’astreinte qu’ils effectuent chacun leur tour.
Horaires et rythme de travail des élèves
La journée commence à 8h20 avec une première sonnerie, dont la mélodie est emblématique et souvent entendue dans la culture populaire japonaise (animation, cinéma, télévision). Cette première sonnerie indique aux élèves qu’il sera bientôt temps de se rendre en classe et aux professeurs que la journée de travail commence. Dans la salle du personnel, le proviseur indique aux professeurs les événements prévus dans la journée, et les professeurs peuvent, s’ils le souhaitent, prendre la parole pour transmettre une information à leurs collègues.
À 8h30, une seconde sonnerie indique aux élèves qu’ils doivent se rendre en classe. Le professeur principal de chaque classe se rend dans sa classe pour un « Short Home Room » (SHR), un temps d’échange de 10 minutes. Il fait l’appel, donne des informations aux élèves le cas échéant, et permet aux élèves de poser des questions ou de partager des informations.
À 8h40, une nouvelle sonnerie indique la fin du SHR, et à 8h45 sonne la première « heure » de cours, qui dure 50 minutes. Une pause de 10 minutes est observée entre chaque cours, ce qui permet aux élèves de se détendre avant le cours suivant.
Après quatre cours, à 12h35, la pause déjeuner débute. Les élèves sortent leur bento* et mangent froid le déjeuner préparé par leurs parents ou par l’établissement pour les internes. Quarante minutes plus tard, la pause se termine, les élèves disposent de cinq minutes pour rejoindre leur salle et reprendre leurs deux cours de l’après-midi.
* boîte à repas
À 15h10, les cours se terminent et les professeurs principaux rejoignent à nouveau leur classe pour un SHR de cinq minutes afin de faire le bilan de la journée. C’est donc à 15h15 que retentit la dernière sonnerie. Une poignée d’élèves restent quelques minutes dans la salle pour le nettoyage quotidien : effacer proprement le tableau et balayer la salle.
Pour les élèves, c’est ensuite le moment de rentrer chez soi, de rejoindre un club scolaire (sport, cérémonie du thé, lecture…) ou de partir au travail, nombreux sont les jeunes de plus de 16 ans à avoir un travail à temps partiel dans une supérette, par exemple.
50 minutes « inside a course »
Durant cette semaine, Monsieur Falsone a pu assister à différents cours.
En cours de paysagisme en classe de seconde, les élèves, en tenue de sécurité, ont travaillé en groupe sur des parcelles qu’ils devaient décorer en suivant certaines recommandations. Les plus belles parcelles sont ensuite reproduites pour décorer le lycée lors de sa fête annuelle, le festival d’été.
En cours de paysagisme en classe de première, les élèves coupaient des petits rondins de bois à la scie afin de créer des décorations pour le festival d’été.
En cours de musique en première, alors que les matières artistiques sont moins développées dans nos lycées, au Japon, les arts restent présents dans le cursus lycéen. Ainsi, Monsieur Falsone a pu assister à un cours de musique, axé sur le chant. Le professeur jouait du piano et les élèves chantaient des chansons japonaises. Dans une deuxième partie, les élèves avaient préparé un petit événement musical pour leur hôte français. Ils ont chanté l’hymne de leur école ainsi que quelques autres chansons. Chaque école, de la maternelle au lycée, possède son propre hymne.
Les élèves de terminale apprenaient la programmation HTML en cours d’informatique. Ils réalisaient des pages web simples.
Les jeunes de seconde étudiaient en cours de japonais les « Waka », une forme de poésie. Cela ressemblait d’abord à un cours magistral : le professeur expliquait comment composer des wakas, les élèves écoutaient et prenaient en note ce que disait le professeur. Ensuite, les élèves se sont exercés et la participation s’est faite plus active, rendant le cours très similaire à un cours français.
Pour l’occasion de la venue de Monsieur Falsone, le professeur d’anglais avait préparé avec ses élèves de terminale une présentation simple pour chacun d’entre eux. Le cours lui-même se passait uniquement à l’oral, sans prise de notes, et le professeur et l’assistant de langue avaient très souvent recours au japonais pour aider les élèves à suivre. Monsieur Falsone leur parlait en anglais, mais une traduction quasi systématique était réalisée par l’un ou l’autre. Un autre professeur a indiqué qu’il procédait tout autrement, il axait son enseignement sur la grammaire et proposait de petits tests sous forme d’exercices à la fin de chaque cours pour évaluer les élèves.

Observations sur l’anglais et la gestion administrative
Concernant l’anglais, il est important de noter que la liberté pédagogique des professeurs est largement respectée. Bien qu’il existe des programmes nationaux définis par le Ministère de l’Éducation, de la Culture, des Sports, des Sciences et de la Technologie (MEXT), l’anglais n’étant pas évalué par un test national normé en fin de lycée, chaque enseignant dispose d’une autonomie significative quant à ses méthodes d’enseignement et au choix des activités. Le gouvernement n’intervient donc pas directement dans les pratiques pédagogiques quotidiennes.
Sur l’aspect plus administratif, les lycées sont gérés par les départements japonais. Les professeurs sont payés par le département et non par l’État. Aussi, leur certification n’est valable que dans le département en question ; s’ils souhaitent déménager dans une autre région, ils doivent repasser la certification.
Le « petit marché » de l’école
L’école vend tous les vendredis sa production. Ce jour-là, ils vendaient asperges, fraises, riz, saucisses, glaces, œufs, pieds de tomate et fleurs. Même si les quantités sont faibles, les prix sont très attractifs, ce qui assure une clientèle régulière. Les élèves, encadrés par les professeurs, présentent et vendent eux-mêmes les produits. Ils gèrent la caisse et accueillent les clients.
Redorer la place des fleurs
L’enseignement français a pu remarquer qu’en effet, seules les personnes les plus âgées avaient acheté des fleurs.
Le Japon, et particulièrement cette école, cherche à répondre à une problématique importante : comment attirer à nouveau les Japonais vers les fleurs ?
La clientèle de ce domaine est vieillissante et l’établissement cherche à attirer les jeunes. C’est sur ce sujet qu’ils souhaitent développer la coopération internationale avec des partenaires français, afin de trouver des pistes marketing pour attirer les nouvelles générations vers l’achat de fleurs.
Contact : Franck COPIN, animateur du réseau Japon de l’enseignement agricole, franck.copin@cneap.fr

