Partage d’expérience en Arménie

Apporter un regard extérieur sur le fonctionnement et établir un diagnostic sur le management global du collège régional professionnel Patrick Devedjian, situé dans la région du Tavoush en Arménie, tel a été l’objectif général de l’expertise d’une directrice-adjointe et d’une conseillère principale d’éducation lors de leur première mission qui s’est déroulée du 9 au 16 novembre 2024.

À l’issue des entretiens avec les différents candidats ayant répondu à l’appel à manifestation d’intérêt diffusé par le réseau CEFAGRI-Conseil Expertise Formation Agricole à l’International, sollicité par le Fonds arménien de France, ce sont Elisabeth Magré, directrice-adjointe de l’établissement agricole « Terres de Gascogne » à Bazas, et Clémence Bretagne, CPE au lycée horticole Le Sullio à Saint-Jean-Brévelay (Campus Sciences et Nature du Morbihan) qui ont été retenues pour mener à bien cette mission d’expertise. Elles ont été accompagnées par Max Delpérié, chargé de mission du Fonds arménien de France, et en partie par Évelyne Bohuon, animatrice du réseau Arménie Kazakhstan de l’enseignement agricole français, selon un programme établi en concertation avec les membres de la direction du collège arménien, Nara Ichkhanian et Margarit Poghosyan. Les réunions régulières et les échanges, auxquels ont aussi participé le chargé d’expertise à l’international du Bureau des relations européennes et de la coopération internationale, Rachid Benlafquih, et l’animatrice du réseau CEFAGRI, Vanessa Forsans, avant, pendant et après la semaine en Arménie ont permis de noter les points de vigilance, l’évolution du contexte et des jeux d’acteurs.

Élisabeth Magré du Lycée Terres de Gascogne à Bazas nous livre ses impressions et observations.

Clémence Bretagne et moi-même avons été retenues par les réseaux CEFAGRI et Arménie de l’enseignement agricole pour assurer une mission d’expertise en relation avec le Fonds Arménien de France qui soutient financièrement la formation et les projets de développement du Collège Patrick Devedjian. Max Delpérié, ancien directeur d’établissement d’enseignement agricole et chargé de mission pour le Fonds Arménien de France, nous a aussi servi de guide culturel et professionnel.

En début de séjour, il nous a fait découvrir la région d’Erevan, le Mémorial et le musée du génocide arménien, le monastère de Khor Virap avec son incroyable vue sur le mont Ararat.
Le trajet d’Erevan à Idjevan nous a permis de nous imprégner des paysages et de la végétation, passant d’un relief vallonné et sec à un paysage de montagne et boisé.
Le collège est situé dans le Tavoush, à Idjevan ; c’est un établissement à taille humaine avec un peu plus de 300 élèves et une trentaine d’enseignants, comme des établissements français dans lesquels j’ai pu assurer des fonctions d’enseignante et de directrice adjointe. Il ne propose que des formations professionnelles : restauration, tourisme, réparation auto, énergie renouvelable et depuis peu agriculture et mécanique agricole. Les effectifs des classes de ces deux dernières sections ont tendance à augmenter grâce, entre autres, à la présence d’un internat et d’une cantine, infrastructures inexistantes dans les autres collèges arméniens et mises en place très récemment.

La mission concerne l’expertise du fonctionnement pédagogique de la filière agricole et de la vie scolaire qui n’est pas structurée et qui peut faire défaut. L’absentéisme est important, les retards sont réguliers, mettant en cause un manque de transport collectif, des inégalités sociales et un manque de cadre évident.
Les enseignants n’ont pas tous eu des formations pédagogiques et peinent à rentrer dans une pédagogie innovante mettant les élèves au cœur de l’action. Ils sont conscients que leur pédagogie, encore trop descendante, est une raison du manque de motivation de certains élèves. Malgré des envies de faire mieux, ils ne se sentent pas assez outillés pour progresser dans ce domaine. Les référentiels ne proposent pas non plus une fenêtre d’ouverture vers une pédagogie de terrain, plus active pour les élèves.
La ferme école de Lusadzor est une réelle opportunité pour tous ces jeunes qui ont comme projet le développement de leur ferme familiale et l’introduction de technologies « françaises ». De nombreuses ressources sont présentes et offrent autant d’occasions pour faire de la pratique : élevage de vaches laitières et transformation fromagère (alimentation, entretien, traite, transformation, vente), élevage de brebis Blanche du Massif central et vente directe d’agneaux (soins aux animaux, vente), culture de plants sous serres, vergers, agroéquipement,… Plusieurs salariés sont présents pour accueillir les classes et leurs enseignants ; des parcelles ont été aussi mises à leur disposition pour faire des essais ; dès cette rentrée, les élèves vont par binôme faire un mini-stage sur cette ferme pendant deux jours.
Notre première évaluation montre que les conditions d’un travail collectif de terrain sont réunies mais qu’un travail de coordination devient nécessaire entre le collège et la ferme pour optimiser la fonction pédagogique de cette dernière et pour satisfaire les besoins de pratique des élèves.
Les enseignants en zootechnie et en agronomie doivent encore mieux s’approprier cet outil aux multiples ressources et proposer des activités de terrain montrant les champs des possibles en termes de techniques agricoles et de diversité des systèmes agricoles.
Margarit Poghosyan, directrice adjointe, est en train de réfléchir à une organisation qui alterne matières générales et matières techniques pour intégrer plus de pratiques dans l’enseignement.
Cette première semaine a été riche en rencontres, en découvertes et en échanges professionnels ; tous nos entretiens et visites nous ont permis de faire un constat mitigé et une première analyse de la situation.
La prochaine mission sera consacrée à la mise en place collective de piste d’améliorations.

Et Clémence Bretagne du Campus Sciences et Nature du Morbihan résume ainsi cette expérience.

La mission qui nous a été confiée au Collège Patrick Devedjian en Arménie a commencé sous le signe de la découverte, du dialogue et de la réflexion. Ce projet s’inscrit dans une démarche d’amélioration continue et durable du Collège.
Dès notre arrivée, nous avons entrepris une série de visites culturelles pour mieux comprendre le territoire dans lequel s’inscrit l’établissement. Ces visites nous ont offert un aperçu de la richesse culturelle et des spécificités géographiques qui influencent directement le quotidien des élèves et des équipes éducatives. Ces observations nous ont permis de cerner les réalités locales et les défis propres à cette région arménienne.
Une partie essentielle de cette première phase de mission a été consacrée aux entretiens avec les différents personnels du collège et de ses partenaires. Nous avons eu l’opportunité d’échanger avec la direction, pour comprendre la vision stratégique et les enjeux administratifs, avec les enseignants, afin de recueillir leurs besoins et leurs suggestions sur le fonctionnement pédagogique, avec les élèves, qui nous ont partagé leur expérience et leurs attentes pour leur environnement scolaire, ainsi qu’avec les adjoints et surveillants, pour aborder les questions et problématiques liées à la vie scolaire, et enfin avec l’équipe de la ferme-école de Lousadzor, un partenaire-clé dont le rôle est essentiel dans le développement de la filière agricole du Collège, pour aborder et cibler les bases d’un partenariat durable et qualitatif.
Ces échanges nous ont permis d’identifier plusieurs problématiques et dysfonctionnements, notamment au niveau de la coordination entre le collège et la ferme-école, ainsi que dans certains aspects de l’organisation de la vie scolaire. Ces constats ont servi de base pour orienter notre réflexion vers des solutions concrètes et adaptées. Riches en enseignements, ils ont mis en lumière les contraintes, les attentes et les aspirations de chacune des parties prenantes.
Parmi les axes prioritaires identifiés, il est apparu important de fluidifier le partenariat entre la ferme-école de Lousadzor et le collège, pour développer les synergies éducatives et des projets communs, mais aussi d’optimiser le fonctionnement de la vie scolaire, en élaborant un plan d’action permettant une gestion plus harmonieuse et durable des activités au sein de l’établissement.
Ce travail est réalisé en étroite collaboration avec l’ensemble des acteurs impliqués, afin d’assurer une appropriation collective des propositions et leur mise en œuvre effective.
Cette première phase a jeté les bases d’une expertise qui, nous l’espérons, portera ses fruits lors de notre prochaine intervention. En février prochain, forts des constats établis et des échanges réalisés, nous pourrons formuler des recommandations concrètes et accompagner le Collège Patrick Devedjian dans la mise en place d’un cadre de travail plus fluide, fonctionnel et durable.
C’est une aventure humaine et professionnelle passionnante qui s’annonce, avec pour ambition d’apporter une contribution significative au développement de cet établissement.

Margharit Poghosyan et Max Delpérié apportent leur point de vue, côté Arménie.

« Le programme de la mission a évolué en fonction des contraintes et de l’émergence de nouveaux rendez-vous et des aléas de la vie d’un établissement arménien, en particulier dans la précision des horaires et les disponibilités des uns et des autres. Nous tenons à remercier Laura Gévorgyan, professeure de français, et Meri Gasparian, responsable de l’association AEFA (Amitié et échanges franco-arméniens), avec les étudiantes de l’université d’Idjevan pour avoir assuré les missions d’interprètes.
La mission d’expertise s’est déroulée de façon très favorable, agréable et dans une ambiance conviviale et constructive. Les activités extérieures (visites de ferme, du patrimoine historique, religieux et culturel…) ont permis de placer cette expertise dans une approche sensible de l’environnement et de l’état d’esprit des Arméniens dans un contexte toujours complexe.
Les relations entre nous étaient empreintes de sympathie, de sourire, de convivialité et de partages instructifs dans un travail collaboratif évident dès le début du séjour.
Les précisions des observations et des analyses permettront de construire le programme de la deuxième mission prévue du 1er au 8 février 2025.

Suite à cette première mission d’expertise en Arménie, une journée de restitution et d’échanges a été programmée début janvier 2025 à Paris (Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche), en lien avec la chargée de coopération Europe au BRECI, Stéphanie Mangin, le Fonds arménien de France représenté par son directeur, Souren Kévorkian, et Michel Pazounian, administrateur chargé du développement agricole, ainsi qu’avec Florence Provendier, coordinatrice des coopérations franco-arméniennes au Ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Contacts :

Vanessa Forsans, animatrice du réseau CEFAGRI de l’enseignement agricole, vanessa.forsans@educagri.fr
Rachid Benlafquih, chargé de coopération Afrique subsaharienne/ECSI/expertise à l’international au BRECI/DGER, rachid.benlafquih@agriculture.gouv.fr
Évelyne Bohuon, animatrice du réseau Arménie / Kazakhstan de l’enseignement agricole, evelyne.bohuon@educagri.fr
Stéphanie Mangin, chargée de coopération Europe au BRECI/DGER, stephanie.mangin@agriculture.gouv.fr

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