La coopération franco sud-africaine entre le F’SAGRI, les colleges agricoles de Cedara, d’Owen Sithole et l’université d’Unizulu a fait naître un projet de réflexion, concrétisé par un séminaire sur les questions d’éducation comme solution aux défis des agriculteurs.
En 2015 naît en Afrique du Sud le F’SAGRI, un programme de coopération de l’institut agronomique Franco-Sud-Africain dont l’objectif est d’« Améliorer les compétences professionnelles pour réussir les projets entrepreneuriaux des jeunes Sud-Africain·es diplômé·es de la formation agricole supérieure et technique ». Piloté par Séverine Jaloustre du MASA et Norman Maiwashe de l’ARC (Agricultural Research Council), le F’SAGRI bénéficie d’un comité stratégique bilatéral composé côté français de Rachid Benlafquih et Philippe Renard du BRECI, côté sud-africain de François Davel et Kgomotso Seikaneng du DSI (Department of Sciences and Innovation) du Ministère de la Recherche.
En septembre 2021, les lycées professionnels polyvalents (TVET) et les colleges agricoles (identiques à nos lycées agricoles) rejoignent le programme destiné initialement à renforcer les compétences des étudiant·es comme des enseignant·es des universités de Fort Hare, de Venda et du Limpopo. En 2022, l’université Unizulu adhère également au dispositif.
En mars 2023, au regard des similarités avec l’enseignement agricole technique français, William Gex et Didier Ramay, animateurs du réseau géographique Afrique australe – Océan Indien-AAOI de l’enseignement agricole français, effectuent une mission exploratoire dans les provinces du KwaZulu-Natal et de l’Eastern Cape.
Le projet se recentre sur l’université d’Unizulu qui, en concertation avec les colleges agricoles de Cedara, d’Owen Sithole (OSCA) et la région du KwaZulu-Natal valident l’organisation d’un séminaire fin 2023. Quatre expert·es du CEFAGRI (2 enseignant·es d’économie, un directeur d’établissement et une déléguée régionale à l’ingénierie de formation) sont alors recruté·es pour animer un séminaire au KwaZulu-Natal début décembre 2023. Leur mission débute fin novembre par 3 jours de visites de fermes locales et de rencontres dans les deux colleges partenaires.
Le séminaire « A travers l’éducation, comment relever les défis quotidiens des agriculteurs émergeants »
Le 30 novembre 2023 au matin, plus d’une quarantaine de participant·es se retrouvent au cœur des champs de canne à sucre d’Empangeni pour échanger et partager autour de l’enseignement agricole et de ses enjeux locaux dans le cadre de la réforme foncière. Après les présentations protocolaires du séminaire, les systèmes d’enseignement agricoles français et sud-africains sont détaillés. La 2e partie de la matinée est consacrée à l’étude des référentiels de formation et leur processus de construction.
L’après-midi, quatre groupes travaillent à l’identification des compétences de quatre métiers agricoles : gérant·e, ouvrier·e agricole, technicien·ne conseil et gérant·es d’un atelier agro-alimentaire. Sur le modèle du world café, les différents groupes s’enrichissent des propositions amendées par les un·es et les autres. Lors de la restitution, les riches débats autour des notions d’installation, de transition et de changement climatique mettent clairement en évidence nos problématiques communes.
Le 2e jour débute autour de l’ancrage des établissements sur leurs territoires puis les colleges présentent leurs filières et le contenu de leur diploma, titre de niveau 6 équivalent au BTSA français mais avec un volume horaire d’économie bien moins conséquent que le BTSA ACSE de l’enseignement agricole. Comme la veille, les protagonistes sont à nouveau sollicité·es en groupes sur le thème : « quels types de formations pour quels types de public ? ».
A l’issue des 2 journées, plusieurs collaborations s’envisagent. A court-terme ; des échanges en visioconférence autour de pratiques professionnelles communes dans la gestion d’une entreprise agricole ; à long terme des études de cas, un module commun d’enseignement de l’économie voire un projet pilote « s’installer en agriculture dans le KwaZulu-Natal ».
4 jours plus tard, le séminaire est mis en avant dans la capitale en marge du Sciences forum & Innovation de Pretoria. A l’issue d’une analyse du système agricole sud-africain, des présentations du F’SAGRI et de l’enseignement agricole français, les intervenant·es se rejoignent sur les difficultés d’accès aux ressources des petits agriculteurs locaux. La table ronde permet de confronter les points saillants de l’atelier de travail organisé la semaine précédente à Empageni avec les enjeux actuels des agriculteurs émergents et ainsi d’envisager ensemble les leviers d’un avenir durable.
Regards d’experts
Les quatre experts et expertes de l’enseignement agricole français apportent leur regard personnel sur le workshop. Ils témoignent des enjeux, des situations évoquées comme des travaux réalisés pendant les deux jours avec leurs collègues Sud-Africain·es.
Szprenkel Johanne, DRIF – DRAAF Occitanie à Toulouse en Haute-Garonne (31) : la mission a été riche d’enseignements tant de notre côté que de celui de nos collègues Sud-Africains, je pense. Nous avons pu croiser les regards et envisager des pistes d’actions sur des sujets de préoccupation communs : le lien formation-entreprenariat agricole et l’accompagnement à la création d’entreprise agricole. Les participants au séminaire se sont véritablement engagés dans les exercices d’analyse des emplois dans le contexte socio-économique spécifique de l’Afrique du Sud. Cela nous a permis d’identifier ensemble les freins mais surtout les leviers possibles pour faire bouger les lignes dans le cadre de la formation. Reste à poursuivre notre partenariat à travers l’échange de pratiques pédagogiques et peut-être le développement de modules de formation communs pour “transformer l’essai ».
Lamy Stéphanie, enseignante d’économie à l’EPL d’Albi dans le Tarn (81) : cette mission a été l’occasion de rencontrer des acteurs du monde de la formation agricole en Afrique du sud et de mieux comprendre les enjeux et les problématiques de leur pays. Les échanges ont été nourris des expériences de chacun et nous avons pu partager nos méthodes de travail et nos réflexions pour un enseignement agricole performant et adapté aux enjeux du monde agricole de demain. La poursuite de cette mission d’expertise sera, sans nul doute, l’occasion d’approfondir ce partage et de travailler ensemble sur la conception de cursus de formation pertinents et efficients. Ce sera aussi l’occasion de développer des outils pédagogiques communs permettant à chacun de faire progresser ses pratiques et d’ouvrir nos établissements vers d’autres horizons.
Leonardi François, Directeur de l’EPL de Tarbes dans les Hautes-Pyrénées (65) : cette mission en Afrique du Sud était une occasion de découvrir le KwaZulu-Natal et son système de formation agricole. La visite des établissements a permis de constater des similitudes dans l’organisation et les objectifs de formation. L’articulation des contenus en rapport avec les métiers visés semble moins présente et systématique que dans l’écriture de nos référentiels. Un atelier avec les collègues enseignants et directeurs a mis en évidence la possibilité de travailler ensemble sur ces sujets. Nous avons également compris que les établissements de formation agricole sud-africains sont aussi sollicités par d’autres partenaires étrangers même si ces visites se traduisent rarement par de la coopération éducative. Les établissements restent donc en attente d’actions concrètes aussi bien au niveau des étudiants que des enseignants. L’absence de rencontre avec l’autorité de tutelle, le ministère de l’agriculture sud-africain, ne permet pas à ce stade de conclure sur les pistes de coopération esquissées.
Jean Marc Pécassou , enseignant Sciences économiques, sociales et gestion en BTSA ACSE, LEGTA de Pau-Montardon (64), agriculteur : ayant servi en coopération en Afrique de l’Ouest et désireux de m’impliquer en coopération internationale, c’est avec plaisir que j’ai candidaté pour cette mission, et autant de plaisir que j’ai eu à y participer. Les visites, les attentes et l’empan de la mission appelaient à un travail humble tout en restant ambitieux ; chaque rencontre, chaque animation de groupe ont fait remonter cette recherche universelle pour la production de denrées agricoles tout en rentabilisant l’outil permettant de produire. Nous nous sommes efforcés d’apporter des réponses via l’enseignement.
Contacts :
William GEX, co-animateur du réseau Afrique Australe, Océan Indien et Nigéria de la DGER, wiliam.gex@educagri.fr, Didier RAMAY co animateur du réseau géographique Afrique Australe Océan Indien de la DGER, Vanessa FORSANS, animatrice du réseau CEFAGRI de la DGER, vanessa.forsans@educagri.fr
Rachid BENLAFQUIH, chargé de coopération Afrique subsaharienne/ECSI/expertise à l’international au BRECI/DGER, rachid.benlafquih@agriculture.gouv.fr
Séverine JALOUSTRE, responsable du programme F’SAGRI, severine.jaloustre@ul.ac.za