Du vin chinois à fermenter

3 établissements agricoles français, appuyés par le pôle agro du Service Economique Régional de l’Ambassade de France à Pékin, ont mené en octobre 2023 une mission exploratoire en Chine à la demande du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Les objectifs étaient d’effectuer une expertise concernant le développement de l’industrie du vin dans le Ningxia, d’identifier les enjeux et les besoins de la filière viti-vinicole notamment concernant les formations techniques et supérieures, puis de proposer des coopérations aux partenaires chinois rencontrés en s’adaptant au contexte (contraintes, équipements, main d’œuvre…).

La délégation française était composée de l’animateur réseau Chine de l’enseignement agricole, Max Monot, de la directrice d’Agrocampus Bordeaux Gironde, Corinne Reulet, du directeur d’Agro Bio Campus Davayé, Jean-Philippe Lachaize et Nathalie Madon, directrice-adjointe.

Le premier jour a été destiné à rencontrer différents acteurs français présents sur place.

La matinée a donné l’occasion à M. Cadilhon, Mme Berges, M. Antoine, Mme Elyahan, Mme Liu de l’ambassade de France à Pékin, de préciser les contours de l’arrangement administratif entre les deux gouvernements pour développer la viticulture et la coopération en formation professionnelle viti-vinicole.

L’après-midi, les échanges avec les représentants en Chine des interprofessions françaises de vins et spiritueux a permis de préciser l’évolution de la consommation en Chine, de comprendre leurs rôles dans la défense de l’origine des vins français (lutte contre la contrefaçon), dans la communication auprès du grand public et des influenceurs, d’appréhender les perspectives sur ce marché via les différents réseaux de vente.

La matinée du deuxième jour a, quant à elle, été consacrée à une réunion avec l’école d’économie agricole et de développement rural de Renmin University (l’université du peuple), une des universités les plus prestigieuses de Chine.

Après la présentation de l’université, il a été fait état du projet de mise en place avec Kedge Business School de Bordeaux, d’un cursus franco-chinois. De niveau bac+4, la 3° année de ce parcours se ferait en France avec des cours de viti-œno et de dégustation (150 à 200 étudiants).

Au sein de l’université, c’est l’école d’économie rurale (700 étudiants) qui porte ce projet.

Compte tenu des enjeux pour les deux pays autour de la filière viticole, il a été suggéré d’ajouter l’économie du vin, l’organisation des marchés, l’œnotourisme aux enseignements déjà prévus. Ils souhaitent aussi davantage de coopération en matière de formation professionnelle continue (personnes en activité).

L’après-midi a été consacré au voyage vers la région autonome du Ningxia, région autonome choisie par l’administration centrale pour devenir le lieu de production principal du vin chinois.

Le troisième jour a débuté par une visite de l’institut de l’alimentation et du vin de l’université du Ningxia. L’université mène des recherches en viticulture et horticulture avec le soutien de l’état et de la région. Ils accueillent environ 400 étudiants en licence et 180 en masters avec une équipe de 42 professeurs. Ils reçoivent 150 étudiants de différents pays et ont des projets de coopération internationale de double diplôme 3+1.

Les perspectives de partenariat avec nos lycées viticoles peuvent porter sur l’échange de professeurs, la contribution à une conférence sur le développement de la viticulture du Ningxia et l’accueil d’étudiants chinois de master sur nos exploitations, par exemple un parcours de 6 mois dans différentes régions , Bordeaux, Bourgogne et Alsace.

La visite d’un établissement technique agricole proposant des formations en supérieur court, le Ningxia Polytechnic, a été organisée l’après-midi.

Cet établissement qui accueille 10 000 étudiants sur un vaste campus, propose depuis 2008 une formation type BTSA « vin, culture et commercialisation » avec une douzaine d’étudiants. Il produit des vins en partenariat avec des entreprises (pas de vignoble dédié) avec lesquelles il organise par ailleurs des formations courtes pour les personnels des châteaux (non délocalisable).

Il a déjà des programmes de partenariat en France dans la filière viti (INSSEC Bordeaux, Institut des vins et spiritueux).

L’établissement affiche sa volonté d’élargir les pistes d’échanges mais les cours doivent être faits en anglais en privilégiant une année diplômante L3 plutôt qu’un stage. On note aussi un intérêt l’œnotourisme, la viticulture de terroir et l’adaptation au changement climatique.

Au quatrième de jour de mission, la délégation a rencontré les équipes du Ningxia technical college of wine and desertification prevention. C’est l’établissement le plus proche des nôtres en termes de structuration et de fonctionnement. On y retrouve notamment plusieurs filières semblables à ce que l’on trouve en établissement français (vin, horticulture, aménagement paysager).  A noter qu’avec l’ouverture de la filière viti-vini en 1998, il s’agit d’un des premiers établissements à avoir proposé des formations de ce type en Chine.

L’établissement est demandeur de coopération viticole. Ils produisent du vin par le biais d’accords école-entreprise. Ils nous ont montré une vaste exposition dédiée à la vigne et au vin de la région. Ils proposent des formations infra bac et post bac à 4764 jeunes. Des partenariats sont signés avec des entreprises pour les travaux pratiques (plantation, marketing).

le NTC serait intéressé par l’accueil de voyages d’études sur la base de la réciprocité, l’envoi de stagiaires dans nos exploitations pendant 6 mois, des échanges d’enseignants (nécessité de maitriser l’anglais) mais n’ont pas de personnel dédié à la coopération internationale, ce qui peut freiner la collaboration future.

L’après-midi, fut organisée la visite du comité de gestion de la zone de l’industrie viticole du piémont oriental du mont Helan. Dans le cadre de la demande du président chinois, ils travaillent pour l’extension du vignoble et l’amélioration de la qualité des vins afin d’atteindre les 100 000 hectares de vignes plantées dans la région d’ici 2030. Le directeur a expliqué que la plupart des structures de production locales sont de grands domaines, certains appartenant à des groupes français qui ont investi énormément dans les équipements de chai. Il y a un fort besoin de main d’œuvre locale pour les travaux non mécanisés.

Ils aimeraient profiter de l’excellence des formations françaises en viticulture œnologie, par exemple en envoyant en France leurs techniciens pour qu’ils se forment à produire en utilisant moins de produits phytosanitaires. L’adaptation au changement climatique est aussi un sujet qui les intéresse.

La dernière journée de mission a permis à la délégation de visiter trois grands domaines locaux.

Le premier, Xige, est un des plus vastes domaines de la région avec 2000 ha de vigne. L’ensemble des moyens de production dans la cave sont très récents (2020) et à la pointe des technologies modernes. Le nombre de barriques de chêne est impressionnant, l’ambition affichée est de produire des vins haut de gamme à haute valeur ajoutée. Le cabernet sauvignon est majoritaire. Les vins sont d’une belle finesse. L’assistante du maître de chai, une jeune œnologue de l’ISVV de Bordeaux, a confirmé la possibilité d’accueillir des BTS français en stage.

Ensuite, les portes du domaine Stone and Moon se sont ouvertes. Ce domaine de 50 ha qui appartient à des Chinois, est dirigé par un bordelais, Nicolas BILLOT GRIMA. Il a permis aux missionnaires, grâce à un tour du vignoble, de la cave, et un échange poussé lors de la dégustation et du déjeuner, d’appréhender les caractéristiques de cette région de production, ses atouts et ses contraintes. Les différents cépages sont travaillés spécifiquement avec une recherche de typicité et d’identité de leurs cuvées, une place intéressante est accordée au cépage marsellan. Un projet de musée du vin est porté par ce domaine auprès des autorités avec une vraie dimension œnotourisme. Une volonté de partenariat et d’accueil de stagiaires a été exprimée avec des facilités pour l’hébergement. Le responsable nous a confirmé qu’ils recherchent, comme beaucoup d’autres propriétés, des chefs de culture ou directeurs techniques qualifiés pour conduire les opérations et encadrer les ouvriers non qualifiés à la vigne. L’isolement géographique de cette région rend la fidélisation difficile dans le temps pour des jeunes.

Enfin, durant l’après-midi, le domaine Pernod Ricard a accueilli la délégation au coeur de son vaste chai ainsi que dans la zone de cuve en inox. Plusieurs échantillons de différentes variétés, emblématiques et reconnaissables au niveau international, ont été proposées à la dégustation : chardonnay, cabernet sauvignon/merlot.

Rédaction commune proposée par les membres de la mission.

Contact : Max MONOT, Animateur du réseau Chine, max.monot@educagri.fr

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